In vino veritasL'ivresse des émotions
Un peu d’histoire
À l’image de l’homme, le vin est fait d’histoire. Les dernières découvertes en la matière laissent suggérer que les premières transformations du raisin en vin remonteraient à plus de 6000 avant J.-C.
Il est, en terme de quantité, l’une des premières marchandises à avoir servi d’échange et à s’être exportée et vendue aussi largement. Tantôt qualifié de boisson, tantôt d’aliment, voire même de médecine, il n’a jamais cessé depuis le Néolithique d’accompagner très étroitement celui qui a réussi à le domestiquer.
Aujourd’hui débarrassé de la fonction de simple boisson qui lui collait à la pulpe depuis le Moyen-Âge, ainsi que de son appartenance religieuse, il s’enorgueillit depuis 2010 d’être au classement du patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO.
Présent sur les plus grandes tables, il réussit aussi par la même occasion à obtenir le statut de produit gastronomique. Opérant ainsi depuis la fin du XXe siècle un changement de paradigme qui fait passer le consommateur de la catégorie de buveur à celle de dégustateur.
Enfin, sous les influences et coutumes américaines ou anglo-saxonnes il se popularise, notamment en tant qu’apéritif. Le vin n’est plus « has been » il fait partie de la tendance, la mode du « savoir déguster » sonnant comme une injonction. Il faut le connaître et savoir l’apprécier, l’âge moyen du nouveau consommateur diminue, les cours d’œnologie se démocratisent, les coffrets dégustation aussi et l’on voit, ici et là, fleurir de nombreux bars à vins.
De l’influence du flacon
De mémoire d’homme jamais aucune boisson ou aucun aliment n'ont connu autant de qualificatifs pour les définir, aussi bien gustativement que physiquement.
Vanillé avec de la cuisse, fruité à la robe rubis, épicé, iodé, tannique à la robe pourpre ne sont qu’une infime partie de la palette de vocabulaire empruntée à tout ce qui nous entoure pour en décrire le ressenti, qu’il soit animal, végétal ou minéral.
À la différence de l’exercice de dégustation professionnelle, dont la technique oscille entre art et science et où seuls les éléments objectifs comptent (visuel, olfactif et gustatif), les perceptions ressenties elles, bien plus subjectives, se construisent à partir d'éléments extérieurs au vin lui-même.
Dans ce théâtre de sensations, la pièce jouée n’étant jamais vraiment la même, les lieux, les personnes en présence et notre humeur vont générer de manière inconsciente une construction cognitive qui influera automatiquement sur le ressenti. Le pouvoir de suggestion de ces différentes situations se heurtant directement à nos représentations et raisonnements.
Il est probable dès lors d’être lourdement influencé face à un narratif convaincant, un lieu ou une situation incommodante. Naturellement il est raisonnable de rester prudent et humble quant à la prévalence d’un jugement sur la qualité d’un vin, l’exercice se révèle être délicat, aléatoire et finalement très personnel.

De l'importance des émotions
Claudel écrivait : « le vin est un professeur de goût », mais alors que la langue ne peut faire remonter que quatre saveurs (salé, acide, amer, sucré), d’où peuvent venir ces attributs qui parfois fleurettent à la limite du dialecte tribal ? Sont-ils le fait de beaux parleurs légèrement enivrés, cherchant à impressionner un auditoire crédule ou néophyte ? Expriment-ils de véritables perceptions ? Et enfin comment expliquer cette débauche d’arômes et d’images tantôt grivoise, tantôt poétique ?
Pour trouver des réponses, un scientifique pourrait vous proposer de chercher du côté du couple hippocampe/amygdale, l’un s’occupant plus ou moins des souvenirs et l’autre des émotions. Ainsi, pour schématiser, LeDoux, qui n’était pas scientifique par ailleurs, aurait dit : « l'hippocampe vous permet de reconnaître votre cousine, mais l'amygdale ajoute qu'elle est antipathique ». Avouez que vous espériez un peu plus que cette explication froide et cartésienne ?
Comme nous n’avons aucune prétention scientifique nous vous proposons celle qui suit.
Les souvenirs sont liés de façon intrinsèque aux émotions et comme nous ne pouvons reconnaître que ce à quoi nous avons déjà été exposé, il est normal que le vin s’adresse à chacun de nous différemment.
C’est de cette invitation à explorer son univers personnel dont il est question. Chacun portant en lui ses propres sensibilités, le vin est cette invitation à réfléchir et nous conduit malgré nous sur les chemins de l’introspection en transformant les goûts et les odeurs en moment, pour finalement en faire émerger les souvenirs...
De la même manière qu’un tableau de maître peut ou non nous émouvoir, ou une symphonie nous faire ou pas vibrer, le goût et l’odorat, parents pauvres des nobles sens, ne seraient-ils pas à même de nous faire apprécier l’évanescence des arômes de ces œuvres éphémères ? Le vigneron dans cet art représentant le pinceau, les cépages les couleurs et le terroir la toile.
Aussi comme il n’est jamais trop tard pour bien faire et à la lumière de ces éléments, lorsque vous serez en quête de votre prochain chef d’œuvre ou pourvoyeur d’émotions, il est probable que ce ne soit pas qu’un simple jus de raisin fermenté en bouteille que vous serez amené à ouvrir, mais peut-être aussi un souvenir. À ce moment précis, vous aurez réussi à cueillir le fruit du travail d’un vigneron.
Quand d’un passé ancien, rien ne subsiste (..) Seules plus frêles mais plus immatérielles, plus persistantes, l’odeur et la saveur restent encore longtemps. - Proust
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