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Simone et moi - Simone Baumann

Simone et moi

Baumann, Simone F.
Les éditions Martin de Halleux

Noir, c'est noir...

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Simone est une jeune femme bourrée de complexes et d’angoisses qui livre sa vision du monde à travers ce roman graphique. A l’origine dessiné comme un journal intime graphique, pour être ensuite publié sous forme de fanzine. Ce recueil est une sélection d'histoires courtes.

Les dessins, à l’encre noire sont atypiques et retranscrivent de façon marquante le décalage de la narratrice avec son environnement. L’ambiance, surréaliste, nous ouvre la porte à la complexité intérieure de Simone. Aucune couleur ne vient égayer le graphisme. Les traits épais et hachés renforcent l’aspect sombre du propos. Les personnages croisés dans la rue ou dans les magasins sont représentés de façon difformes et ridicules. D’eux émanent une menace latente qui engendre de l’anxiété. La tonalité, très onirique, est d'autant plus prenante que plusieurs récits se font sous la forme d'histoires à tiroir. Simone n'hésite pas non plus à nous narrer quelque-uns de ses cauchemars.

On sait maintenant ce qui ne va pas avec toi ! Tu es malade ! Tu as le cerveau abîmé à cause de la couveuse. Ca explique tout. 

Les relations entre les personnages sont marquées par la conflictualité. La famille même de la narratrice est source de difficultés, plus que de réconfort. Elle est confrontée à des parents qui ne la comprennent pas. Simone se sent jugée comme en témoigne les scènes de "jugement" ou de "punition". Son père est quasi-systématiquement représenté en colère lors de ses interactions avec sa fille.

Simone se représente elle-même toujours habillée en noir, le visage fermé. Elle ne s’épargne pas, surtout dans le rapport avec son propre corps. Celui-ci est brisé, mutilé, démembré, trépané, vidé de ses organes, exposant la violence de la noirceur intérieure qu'elle vit. Ce corps, souvent, finit aux ordures ou aux toilettes, signe du peu d’estime qu’elle parvient se porte à elle-même. 

Pourtant l’humour est présent, dans ce roman graphique. Un humour aux accents kafkaïens qui émerge, lors d'un échange de cerveaux avec un médecin, où elle s’écrie “je suis guérie”! Un humour noir, lorsqu’elle joue à la “bonne fille” pleine de vie, qui se promène dans un cimetière, avant d'entrer dans le four du funérarium en se délectant d'un "Quelle agréable chaleur!" L’autrice va jusqu’à renverser la situation en dessinant un père “possédé” qui lui fait des reproches... juste avant qu’il ne soit arrêté par la police.  

Bref, un livre puissant, sombre déroutant également. D’une force d’introspective rare, le tout dans un style peu ordinaire. Un véritable coup de cœur ! 

 

Livre
BD/Manga