Monstres - Barry Windsor-Smith
La destinée tragique d’un orphelin, marionnette dans les mains de forces supérieures dans l’Amérique d’après-guerre.
Dans les années 60, aux Etats-Unis, Bobby Bailey, jeune adulte orphelin, sans attaches, a le profil idéal pour intégrer le projet secret « Prométhée » de l’armée US, visant à créer des surhommes. L’expérience tourne mal et au lieu de devenir une sorte de Captain América, il se réveille en un être au physique monstrueux.
C’est donc le terrible destin de Bobby, de son enfance jusqu’à sa fin, mais aussi celui de ceux qui l’ont côtoyé, aidé, trahi, manipulé, brisé et aimé que l’on va suivre tout au long de ce récit captivant.
Dans cet ambitieux Comics, Barry Windsor-Smith, se sert de nombreux angles thématiques pour dépeindre la monstruosité d’une société où chacun a sa part de responsabilité dans le sort désespéré d’un laissé pour compte. Tour à tour il décrit, et combine des sujets tels que le mythe du surhomme, la science et la moralité, le syndrome post-traumatique, la maltraitance, l’amour impossible, la violence familiale, afin de mieux dénoncer la cruauté et la lâcheté des hommes.
Un foyer ou nous pourrions être si heureux, pas de méchants ou de monstres qui nous frappent et nous brisent le cœur.
Face cachée de l’univers solaire des super-héros, Monstres laisse le lecteur pantois devant une telle maitrise graphique et scénaristique. Le tour de force de l’auteur est de rendre fluide une lecture qui utilise pourtant toute une palette de procédés, allant du flash-back à la fragmentation du récit, du changement de point de vue et de direction aux mélanges des genres. Le dessin réaliste, hachuré, sert admirablement bien la noirceur du récit et magnifie l’expressivité des personnages. La mise en page joue avec les codes de l’art séquentiel favorisant l’alternance des ambiances sombres et de répits, tout en dynamisant les scènes d’action.
Barry Windsor-Smith signe avec Monstres un roman graphique testamentaire de son œuvre sur les comics, développant ses thèmes de prédilection au-delà de ce qui pourrait être acceptable chez les éditeurs mainstream, tel Marvel pour lequel il a pourtant laissé sa trace.
Une BD qui laissera son empreinte dans le monde des comics comme dans l’esprit des lecteurs.