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Black infinity : l'art du fantastique noir

Black Infinity : L'art du fantastique noir

Eshun, Ekow, Auteur du texte
Éditions Textuel
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Black Infinity, l’art du fantastique noir est une plongée en images dans des formes multiples d’expression artistique de créateurs venus d’Afrique ou de la diaspora africaine.

Au-delà de l’afrofuturisme, terme forgé au début des années 90 et défini comme « une fiction spéculative qui traite des thèmes africains-américains dans le contexte de la technoculture du XXe siècle » (Mark Dery, Black to the future), le livre s'attache au fantastique noir, une « manière de voir d’artistes qui affrontent l’héritage de l’esclavage et les injustices de la société contemporaine racialisée en créant de nouveaux récits du potentiel noir », de préférence sans référence à l’identité blanche. L’auteur, Ekow Eshun, écrivain et commissaire d’exposition, élabore une archéologie de ce qui n’est pas un mouvement à proprement parler, plutôt un vaste champ abordé selon des esthétiques diverses.

Prenant ses sources dans des oeuvres fondatrices du XXe siècle, - les toiles de Wilfredo Lam, la poésie de Derek Walcott et d’Aimé Césaire, des figures tutélaires musicales et visionnaires telles Sun Ra, Georges Clinton (Parliament Funkadelic) -, cet imaginaire fantastique déploie des figures et paysages liés à la diaspora africaine. Par exemple, l’odyssée maritime, le naufrage, l’océan convoquent les récits mythologiques classiques et l’épopée tragique des êtres déportés vers l’Amérique dans le contexte de l’esclavage : les créatures sous-marines imaginées par Rivers Solomon dans son roman Les abysses incarnent les descendants de ces esclaves noyés, morts pendant la traversée, dont elles portent la mémoire. 

Afin d’« affirmer une présence noire dans le passé et de revendiquer une présence dans le futur », le fantastique noir investit également le sacré et l’onirisme. Dans les textes de Nnedi Okorafor (Binti) ou d’Octavia E. Butler (Liens de sang), les croyances d’Afrique ancienne se conjuguent avec la science-fiction, en une hybridation des styles qui pointe les questions de la politique raciale.

L'auteur met en lumière d'autres aspects intéressants du fantastique noir, tel le concept de féminisme conjure. Dans un contexte à la jonction du profane et du spirituel, là où le surnaturel a parfois le loisir de s’infiltrer dans le monde vivant, ce concept actualise les « héritages intellectuels des femmes noires en matière de travail spirituel imprégnant l’existence quotidienne ». Revendiquant une présence puissante des femmes dans les arts et la spiritualité, la chercheuse américaine Kameelah L. Martin se concentre sur la capacité qu'a la parole de donner force et racines à l’identité féminine noire contemporaine « dans un monde où la race est une fiction socialement construite qui a des conséquences bien réelles ». De Toni Morrison à Beyoncé en passant par Audre Lorde, une lignée se dessine, voyant l’émergence de nouvelles formes artistiques en appui sur les pratiques artisanales traditionnelles des femmes noires (tatouage, tissage, chanson, quilting).

Cet ouvrage passionnant, richement illustré et d’une grande qualité esthétique s’emploie à délimiter et à donner une cohérence à un univers artistique multiformes tout en permettant de découvrir un foisonnement de créations et d'expressions.

 

 

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