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Metropolis - Actuel Remix #01
Ciné-concert par ARFI

Vendredi 15 novembre 2019
à 18h

La Cie ARFI remixe la musique de Richie Hawtin, avec l’oeuvre de Iannis Xénakis

© Compagnie ARFI

Le duo Actuel Remix (Xavier Garcia et Guy Villerd) confronte la musique d’artistes phares de la scène électro avec celle de compositeurs contemporains. À l’occasion de la sortie de la version intégrale restaurée du film Metropolis du réalisateur Fritz Lang en 2013, le groupe a proposé le remixe de la musique de Richie Hawtin, figure majeure de la scène techno, avec l’œuvre de Iannis Xenakis, pionnier de la musique contemporaine du XXe siècle. Ce ciné concert, créé le 15 mars 2016 au festival A Vaulx Jazz, était donné ce soir-là devant une bonne vingtaine de personnes à la Médiathèque, en vidéo projection.

Un classique du cinéma muet

Metropolis, rappelons-le pour les personnes n’ayant jamais vu ce classique du cinéma muet de science-fiction (1927), raconte l’histoire d’une cité « idéale » futuriste, façon New-York, mais à l’esthétique Bauhaus Art-déco, avec voitures volantes et autoroutes suspendues, dont l’énergie provient des sous-sols.

 

Alors que les habitants de la « surface » vivent dans un simulacre de bonheur, fait de danses, d’alcool et de dépravation, se retrouvant à l’occasion dans une sorte de Jardin d’Eden pour batifoler, une autre population, invisible, s’active dans les tréfonds, auprès de machines gigantesques, réduisant les ouvriers, chargés de sa maintenance inhumaine, en esclaves. Celles-ci se comportent parfois tel Moloch, la divinité antique, dévorant les enfants par le feu, comme lors d’une terrible scène d’explosion, provoquée par la fatigue d’un pauvre hère…Dans ce monde où riches et pauvres ne se côtoient jamais, une jeune femme : Maria, va assumer le rôle du « cœur » du système, et réaliser la médiation entre le fils du grand patron de cette cité : Freder, et les ouvriers, alors qu’une machination les emporte tous dans le sens inverse. En effet, son double maléfique androïde, créé par le patron jaloux Joh Fredersen, avec l’aide du sorcier Rotwang, à partir d’un robot sans âme, mixé avec le corps de Maria, tel le Golem, va ruiner le plan de paix et amener la cité à sa perte. Une Sodome et Gomorrhe en quelque sorte, dont seules la compassion et la solidarité pourront aider à une reconstruction. On retiendra les scènes d’inondation dramatiques de la cité sousterraine, ainsi que la poursuite sur les toits de la maison antique du savant fou, qui évoqueront sans doute aucun celles de « Notre dame de Paris », de Wallace Worsley, de 1923, et influence probable du réalisateur.

L'électro au service de l'expressionnisme allemand

Ce n’est pas la première fois que ce film classique expressionniste est mis en musique (le principe même du film muet). On pourra en effet citer les prestations de L'Orchestre National de Lille en novembre 2012, l’Ensemble intercontemporain de Lyon en avril 2019, ou bien encore la musique de Martin Matalon pour seize instrumentistes et dispositif électronique, à Nantes, du 14 au 21 mars 2019...

Ce qui est moins courant, quoi que non inédit, et qui fait tout le sel de cette projection et de ce projet, est sans aucun doute l’inclusion de musique contemporaine et électronique pour « illustrer » cette œuvre d’une puissance inouïe. L’univers rythmique puissant et épuré de Richie Hawtin, donne à la structure musicale de cette projection sa pulsation vitale. Sur cette trame, la rudesse du « matériau » de Xenakis  se déploie avec une intensité proche de l’expressionnisme du film. Parfois, on croit entendre quelques voix ou hurlements, mais ce ne sont que les sons synthétiques innovants (pour l’époque) du génial compositeur grec, ayant été un des, sinon le premier à utiliser l’ordinateur en musique (premières pièces électroniques stochastiques en 1957).

Le léger désarmement des premières secondes, provoqué par l’introduction de sons électroniques ne participe cependant à dénaturer cette œuvre des années vingt. Les rythmes, aux beat puissants parfois, donnent à entendre et à voir différemment, mais dans une redécouverte agréable ce chef d’œuvre de la science-fiction. On pourra même aller jusqu’à dire que ne pas retrouver de violons, élément souvent incontournable des musiques de film, rend le travail particulièrement attrayant et original. Jamais on n’aurait imaginé une telle symbiose entre une œuvre d’un patrimoine si ancien et une musique aussi « moderne ». Le lourd métal des machines et les hautes pierres de Métropolis, comme les mouvements des ouvriers, répétés inlassablement, constituent cependant un lien évident avec les beats froids de l’électronique et la musique contemporaine. Il fallait le tenter. C’est une réussite. Le public, solennellement attentif durant toute la durée du film, a accueilli la fin de la projection-concert avec des applaudissements. S’en est suivie un moment de discussion avec les deux artistes.

 

Concerts / Spectacles
Médiathèque de Roanne