Annelie Jarl IremanFilles et garçons dans la littérature suédoise enfantine
Pour ouvrir le temps consacré à la Scandinavie, les médiathèques de Roannais Agglomération recevaient Annelie Jarl Ireman pour un duo de conférences autour de la littérature jeunesse suédoise.
Maître de conférences en lettres, langues et civilisations scandinaves à l’université de Caen-Normandie, Annelie a spécialisé ses recherches sur les questions d’identité et a ainsi proposé au public la conférence « être une fille ou un garçon dans la littérature suédoise enfantine » au cours de laquelle elle s’est attachée à démontrer l’évolution des normes genrées dans les œuvres pour le jeune public. Son attachement pour l’œuvre d’Astrid Lindgren, déjà pressenti lors de la première rencontre, a pris tout son sens lors de la seconde conférence à Mably qui s'est focalisée sur l’autrice elle-même.
Un mouvement vers la liberté
« Ne vous méprenez pas, la société suédoise est encore extrêmement machiste ». En allant à l’encontre même de toutes les idées reçues, Annelie souhaitait à la fois appuyer les changements qui ont secoué la littérature jeunesse suédoise ces 70 dernières années et souligner le chemin qui reste à parcourir. Ainsi, puisque c’est avec Astrid Lindgren que tout a commencé dans les années 1950, c’est naturellement avec elle qu’Annelie, en parfaite universitaire, a entamé sa réflexion, toujours élaborée et ponctuée de courtes lectures lui permettant d’illustrer son propos. Elle s’est attachée à démontrer que c’est bien le personnage de Fifi Brindacier qui, en 1945, a initié une remise en question des normes qui pesaient sur les enfants.
Avec ce personnage un peu garçon manqué, qui refuse de suivre les règles établies et qui se révolte contre les contraintes imposées par les adultes, Astrid Lindgren a ouvert une nouvelle voie pour de nombreuses petites filles qui pour la première fois, parvenaient à mettre un pied dans le monde des garçons. Lindgren a offert la possibilité aux enfants d’être libres et de vivre pleinement leur enfance. Commençait alors une véritable métamorphose de la littérature enfantine.
Si Astrid Lindgren a majoritairement œuvré en faveur des petites filles, les auteurs aujourd’hui se voient confrontés à bien d’autres enjeux. Comme l’a souligné Annelie, il ne s’agit plus uniquement de démolir les normes genrées imposées par la société mais de proposer une troisième voie grâce à laquelle s’ouvriraient tous les possibles. Il est question de replacer l’individu au centre des récits et d’offrir aux enfants un simple droit à la différence.
Où comment l’imagination peut changer le monde
Si les deux conférences avaient des objectifs différents, il est évident qu’elles reflétaient malgré tout les grands sujets d’étude d’Annelie Jarl Ireman. Lors de la seconde rencontre, Annelie ne s’est ainsi pas contentée de faire un portrait, certes complet et touchant, de l’autrice suédoise la plus respectée. Elle a plus généralement plaidé en faveur du pouvoir qu’a l’imagination de façonner le monde réel. Ainsi, les questions soulevées par la littérature jeunesse occupent aujourd’hui une place majeure au sein des grands débats sociétaux. Les médias, les bibliothèques, les écoles offrent à la fois une visibilité accrue à ces nouveaux questionnements mais s’adressent aussi aux futurs acteurs de ces changements : les enfants. Si Astrid Lindgren, autrice adorée et femme respectée par des générations de suédois, est parvenue à faire trembler des partis politiques entiers, à modifier ou implémenter de nouvelles lois ou encore à bouleverser les normes sociales établies, c’est bien la preuve que la littérature et l’imagination ont un réel impact sur le monde.
Après tout, les grands changements ne font-ils pas moins peur lorsqu’ils sont abordés à travers le prisme de la fiction ?