Black village - Lutz Bassmann

Qui se cache derrière Lutz Bassmann ? Nul autre qu'Antoine Volodine, auteur multiforme, doté tel Shiva de nombreux hétéronymes. Il s'incarne en Lutz Bassmann, Manuela Draegger ou encore Elli Kronauer.

Black village ajoute une pierre à son vaste projet littéraire, qui comportera à terme quarante-neuf volumes. Volodine/Bassmann y tisse une toile peuplée de poètes militants, de moines soldats ou encore de tueurs à gages survivant dans un monde post-apocalyptique. Lutz Bassmann, qui se trouve être personnage d'un autre roman de Volodine, Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze, devient ici l'auteur d'un texte à la composition des plus originales. Deux chapitres introductifs et conclusifs mettent en scène Tassili et Myriam, anciens soldats poètes cheminant dans l'obscurité après leur mort, "liés par une affection bourrue de camarades ou de morts". La nuit est totale, le temps volatilisé, l'horizon inexistant.

Comme remède à cette absence de sens, afin de mesurer et emplir le temps vide, Tassili et Myriam élaborent des récits en tous genres, faisant voyager le lecteur à travers des univers multiples. Mais ces histoires s'interrompent toutes avant leur terme, constituant 31 débuts narratifs où évoluent des personnages aux noms insolites, extirpés du néant et y retournant trop vite, comme autant de micro-récits emblématiques de la création littéraire.

Si Black village est une oeuvre qui peut déranger par sa noirceur rappelant Samuel Beckett et ses bifurcations narratives,  il offre cependant une échappée finale grâce à une fin suspendue et captive par la maîtrise formelle et l'inventivité de l'écriture.

nathalie