Berta Isla - Javier Marias

Javier Marias, une fois n’est pas coutume, nous livre un roman d’espionnage. Mais un roman d’espionnage bien particulier, contemplatif, réflexif, fait d’ellipses et d’absence. Car le vrai thème de ce beau livre est le mensonge, qui conduit au dédoublement et à l’imposture, à la dissociation de soi et des liens avec le monde.

David et Berta s’aiment depuis l’enfance et sont bien décidés à conduire leur vie ensemble. Tout commence néanmoins par une séparation, David part étudier à Oxford, mettant à profit une prodigieuse capacité à assimiler et pratiquer les langues étrangères, Berta demeure en Espagne. C’est en Angleterre que le destin frappe, de manière à la fois absurde et ambigüe, et vient sceller leur séparation.

Une vie au service de la couronne pour David dont le lecteur ne connaît pas les aléas, écrite en creux, mais dont il perçoit les effets destructeurs sur le personnage. Pour Berta, -l’île-, une existence faite d’attente mais tendue vers la certitude des retrouvailles, ponctuée par la lecture et l’amour de la littérature anglaise qu’elle enseigne, au cœur du Madrid franquiste des années 70 puis 80. L’évocation de la ville, de l’attente, du temps qui réinvente et transforme les lieux familiers, a dans ce long roman des échos modianesques particulièrement fascinants.

On admire la lenteur de la narration, la minutie et la patience avec lesquelles se déploie et se referme, telle un piège, l’intrigue. Les révélations autour d’une vie perdue, happée par l’imposture, font toute la beauté et la résonnance de Berta isla, grand livre qui nous parle de mélancolie et de fidélité.