Atlantic bar - Fanny Molins

Nathalie et Jean-Jacques sont les patrons de l’Atlantic Bar à Arles, aux marges des quartiers chics de la ville. A l’Atlantic, on vient boire un petit blanc sec ou un café, et surtout, passer un moment dans un lieu qui accueille les gens pour ce qu'ils sont.  
 
Le spectateur est invité à entrer dans le bar avec délicatesse, comme il entrerait dans un théâtre. Le zinc et la salle sont la scène. Nathalie est l’actrice principale ; avec sa voix rocailleuse, elle règne sur son petit monde. A la fois flamboyante, triste, joyeuse, tempétueuse et mélancolique, elle irrigue l'Atlantic de sa présence. Derrière sa solidité apparente, des fêlures se dessinent, notamment quand elle confie sans fards son alcoolisme face caméra.  

Les apartés et les scènes plus privées sont les coulisses de ce théâtre de poche, nimbé de la lumière du sud. Chacun campe un peu un rôle, les places sont attitrées et les scènes se jouent et se rejouent. On boit, on fume, on rit beaucoup aussi ; on chante sur Johnny, on danse, parfois on pleure. Ici c’est le peuple qui s’exprime, celui des cabossés de la vie, celui qui sait ce que précarité veut dire.
Jean-Jacques, issu d'une famille de communistes italiens ne veut pas augmenter ses tarifs. Penser le bar comme un lieu social et solidaire, ça c'est important pour lui. Et ce n’est pas Alain - ancien sans domicile fixe aidé par les patrons -,  ni Claude l'ex braqueur, ni Gilbert le poète, qui diront le contraire...
Mais un évènement vient troubler la tranquillité des lieux... Comme ailleurs, la gentrification s'étend ; des acheteurs veulent récupérer le bar dont Jean-Jacques et Nathalie sont locataires.  
Alors la riposte s'organise, elle se mue en colère. Fermer ce bar, c’est priver cette communauté d’un lieu de vie, c’est assurément la fin d’un monde, mais aussi de toute une typologie de lieux semblables dans les centres villes ou les zones rurales. Ici, le vivre ensemble n'est pas un vocable politique, il est la vie même. 
 
Fanny Molins a su gagner la confiance des habitués en s’immisçant dans leur quotidien pendant plusieurs années. Si elle a commencé son projet par une exposition de photographies, elle a souhaité le prolonger par la caméra. En opérant avec des cadrages serrés, au plus près des corps et des peaux, des tatouages et des cicatrices, elle dessine avec pudeur des portraits d'une grande justesse.
Les plans et les lumières sont remarquables pour un premier film, faisant ainsi d'Atlantic Bar un vrai geste de cinéma. Poignant et généreux.