La céramique du haut Moyen Age de la moitié nord de la France est encore peu étudiée et son évolution, au cours de la période, demeure encore difficile à cerner. Ce travail porte sur le sud de la vallée du Rhin supérieur, englobant, aux confins des territoires franc et alaman, l'Alsace sur la rive gauche et le Pays de Bade sur la rive droite du fleuve. L'étude a été exhaustive et a porté sur près de 16 440 fragments et 506 formes complètes, issus de 162 sites - habitats et nécropoles -. Les ateliers n'ont pas pu être localisés et ne sont donc pas pris en compte. Quatre points ont été privilégiés : l'établissement d'une chronologie du mobilier fondée sur son approche quantitative, l'analyse de l'évolution technologique et morphologique de la céramique, la restitution des cadres de production et de distribution par une étude des techniques de fabrication et la signification culturelle des poteries, abordée à partir d'une confrontation avec les données historiques. Outre l'établissement d'une chronologie, cette étude a mis notamment en évidence une réorganisation profonde de la production au 7e siècle, qui s'est traduite par le regroupement des structures, jusque là dispersées, dans des ateliers centralisés. Cette concentration des moyens a été à l'origine de toute une série de modifications qui ont touché autant les techniques de fabrication, le répertoire des formes que la diffusion des produits. Grâce à une étude conjuguée des données archéologiques et historiques, l'évolution a pu être replacée dans le cadre plus général des transformations économiques et politiques qui ont marqué le territoire alémanique à cette époque. L'analyse des céramiques a permis de renouveler également en grande partie les connaissances actuelles sur le peuplement de la région, en faisant apparaître une population à l'origine mélangée ayant subi préférentiellement, selon les zones, des influences franques ou alémaniques. Ces constatations ont conduit à reconnaître une division du territoire en trois unités culturelles et économiques distinctes, dont les limites se sont maintenues bien au delà de l'époque mérovingienne, pendant tout le Moyen Age.