Vous êtes ici

Les Samis : dernier peuple nomade d'Europe
Mais à quoi ressemble exactement le dernier peuple nomade d’Europe ?

 


Photographie du drapeau Sámi

 

La question des populations indigènes a émergé ces dernières années dans les débats publics. Relayés par les médias, les voix de ces populations autochtones sont de plus en plus fortes et de mieux en mieux représentées :

Ainsi, rien qu’aux USA et, en un an de présidence, Joe Biden est parvenu à modifier la portée du jour férié de Colombus Day (Jour de Christophe Colomb) en célébrant le même jour Indigenous People Day (jour de reconnaissance des populations indigènes). À ce titre, il a également rendu par décrets les dimensions initiales de certains territoires amputées par Donald Trump. À cela s’ajoute la nomination du Ministre à l’Intérieur des États-Unis, Deb Halaand, qui est devenue la première personnalité politique amérindienne à occuper ce poste et la seconde de l’histoire à faire partie du cabinet américain. Le Canada, quant à lui, a lancé en 2021 plusieurs procédures visant à exhumer les cimetières des pensionnats amérindiens qui entre 1831 et 1996 ont tués plus de 6 000 enfants. Plus au sud du globe, les populations autochtones d’Amazonie font entendre leur voix lors de sommets mondiaux pour l’environnement (dernièrement encore lors de la COP 26). Il est étonnant dès lors de constater que ces questions indigènes ne sont pas étrangères au continent européen mais qu’elles demeurent encore, très souvent, passées sous silence.

Un peuple indigène oublié

Seul peuple nomade européen, Les Samis ou Saames seraient entre 50 000 et 65 000 en Norvège, 20 000 en Suède, environ 8 000 en Finlande et 2 000 en Russie, selon le Centre d’information saame d’Östersund. Présents sur les terres les plus septentrionales d’Europe (territoires que l’on connaît sous le nom de Laponie) depuis la fonte des glaciers il y environ 10 000 ans, les Samis n’ont pas complètement abandonné leur mode de vie ancestral. Si une minorité de la population sami d’Europe vit de la chasse et de la pêche, une grande partie élève le renne au fil de 8 saisons (chacune de nos saisons étant précédée d’une pré saison). Et c’est au rythme des tâches liées aux besoins des animaux (marquage, grande transhumance du printemps ou naissance) que leur vie s’organise. L’élevage de cet animal emblématique des pays scandinaves demeure aujourd’hui leur principale source de revenu mais aussi, à l’égard de beaucoup d’autres peuples autochtones, leur principale source de nourriture et de matières premières essentielles à la confection des vêtements, des outils et du foyer. Ainsi, les troupeaux de rennes représentent toute l’économie des « sociétés » samis et la perte d’un troupeau peut avoir des répercussions monumentales pour les communautés.

Si les Samis sont tous capables de parler la langue du pays dans lequel ils vivent, il n’existe pas moins de 10 langues saames toujours vivantes. La tradition orale à travers le langage parlé mais aussi à travers le joik (chant traditionnel) est une composante essentielle de l’identité et de la culture sami.

À l’image de ces langues saames qui ont su perdurer au fil des siècles, le peuple sami a su faire preuve de résilience tout au long de son histoire récente. Mais le passé colonial pèse encore sur les générations actuelles et s’ajoutent à ces difficultés, des problématiques liées à un mode de vie plus contemporain auquel il a été nécessaire de s’adapter pour survivre.

 

 


Un éleveur samis en compagnie de son troupeau de rennes

 

Entre problématiques coloniales et actuelles

C’est à partir du 17e siècle que les pays scandinaves s’intéressent aux terres samis et accélèrent le processus de colonisation. Il s’agit alors de christianiser la population en interdisant les rites ancestraux et en détruisant les objets rituels s’y rapportant. Cette vague d’assimilation culmine au début du 19ème siècle lorsque, dans la plupart des pays où ils sont présents, les Samis sont ostracisés de manière systémique. En Suède par exemple, des milliers d’entre eux sont déplacés plus au sud du pays, contraints d’abandonner leurs terres, leur langue et leurs traditions. Le racisme biologique qui grandit dans toute l’Europe, n’épargne pas les Samis qui dès les années 1920 doivent subir les humiliations constantes que constituent les examens physiques (dentition, mesures du crâne ou du nez) censés fournir aux gouvernements des bases de données sur leurs caractéristiques physiques. Comme aux États-Unis et au Canada, des internats voient le jour pour séparer les enfants de leurs parents. Ainsi éloignés de leur famille, c’est leur identité que cherchent à supprimer les gouvernements à coup d’interdiction de parler les langues saames, de chanter des joik ou de porter les habits traditionnels. Peuple résilient par excellence, les Samis ont survécu mais doivent aujourd’hui faire face à de nouveaux obstacles. Les sociétés dans lesquelles ils évoluent et avec lesquelles ils commercent les poussent à adapter leur manière de travailler et à abandonner graduellement les méthodes de leurs ancêtres. Ainsi pour être plus compétitifs, les éleveurs de rennes se tournent vers une mécanisation de leur pratique ce qui, pour beaucoup, signifie des investissements parfois difficilement rentabilisés. Lorsque ces mêmes éleveurs de rennes sont les premiers impactés par le réchauffement climatique et que chaque hiver les troupeaux menacent de mourir de faim, les populations samis vivant de la pêche sont quant à elles confrontées aux problématiques de surpêche dans leurs zones de prédilection.

Une identité à reconquérir

Si les obstacles ne semblent que se multiplier pour les Samis, il est intéressant de constater que l’engouement des jeunes générations pour leurs traditions et leur culture ne fait quant à lui qu’accroître. Les 20 dernières années ont été marquées par un regain d’intérêt des plus jeunes pour leur histoire qui s’est traduit par une volonté de reconquête d’une identité mise à mal pendant des siècles.   

C’est sur la scène politique que le combat est d’abord mené. Les populations samis sont aujourd’hui représentées par 3 parlements distincts en Finlande, en Norvège et en Suède qui sont en charge, entre autres, des questions liées aux langues, à la culture, à l’éducation ou encore à l’industrie. Depuis 2000 le Conseil Parlementaire Sami, un organe représentatif transfrontalier, représente la question sami à l’international.

Recouvrant une légitimité sur le terrain politique, les jeunes générations investissent aussi les tribunaux pour faire respecter leurs droits. Pour contrecarrer certaines lois mises en place depuis la fin du 19ème siècle, les Samis ne craignent plus d’attaquer légalement les États responsables. Ainsi en janvier 2020 par exemple, l’une des communauté samis suédoises est parvenue à faire abolir une loi qui permettait aux suédois non samis de chasser et de pêcher sur leurs terres ancestrales. Les droits de pêches et de chasse sur ce territoire sont désormais uniquement réservés au peuple indigène, protégeant ainsi les ressources et mettant fin à un procès ayant duré plus de 10 ans.

Enfin, c’est par l’affirmation de la langue et la valorisation artistique de leur culture que se définissent les combats modernes des Samis. À travers la création de centres linguistiques, d’écoles bilingues ou de cours intensifs, les peuples samis sont déterminés à affirmer de nouveau leurs langues comme marqueurs identitaires. De leurs côtés, réalisateurs, acteurs, artistes contemporains sont érigés en portes paroles des valeurs qui caractérisent l’identité sami. Amanda Kernell, réalisatrice du film Sami, une jeunesse en Laponie, Sofia Jannok, auteure-compositrice et interprète suédoise ou Anders Sunna, artiste contemporain à l’affiche de la prochaine biennale de Venise en 2022, pour n’en citer que quelques-uns, sont de ces artistes qui participent à élever la voix des Samis à l’international.

 


Siège du Parlement sami de Norvège - Karasjok

 

Malgré cela, la lutte continue pour les Samis. Face au réchauffement climatique et à la surexploitation des ressources, leur mode de vie traditionnel est en danger. Les politiques d’assimilation menées au 20e siècle ont laissé des traces et les nouvelles générations se doivent aujourd’hui de réinvestir une culture que leurs parents ont été forcé de délaisser. Et puisque les parlements samis ne sont pour l’instant que des corps consultatifs c’est par l’enseignement de la langue et des traditions ainsi que par la diffusion d’une culture profondément marquée par leurs problématiques actuelles que les Samis entendent se battre pour leur identité.