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Écrivain à 3 Temps
Cécile Coulon - Yannick Chambre

Samedi 14 décembre 2019
à 15h

Le soufflet s’élargit. L’air se distend, puis se compresse. Quelques accords d’accordéon sous les doigts de Yannick Chambre. Des flonflons singuliers, ni pleinement joyeux, ni réellement langoureux. Une entrée en matière qui annonce la tonalité de ce dialogue poétique et musical entre Cécile Coulon, invitée principale d’Écrivain à 3 Temps, et son accompagnateur du jour.

« Je ne veux pas faire une poésie qui va bien sonner, je veux faire une poésie qui va bien te sonner »

Immédiatement, c’est au tour de la voix de Cécile Coulon de s’élever. D’emblée, elle se fait ferme ; chaque phrase est lancée comme une flèche. Sortis d’elle-même, les mots se déploient en une articulation précise, qui reste naturelle, sans jamais céder aux roulades d’afféterie que le terme de poésie laisse souvent présupposer. Il n’est point ici question de sucreries mais plutôt de piquant. D’ailleurs, le recueil de poésie dont Cécile Coulon lit des extraits devait s'intituler dans un 1er élan Les Frites. Jugé sans doute trop salé, ce titre a été vite oublié pour le plus sérieux – de l’aveu même de l’auteur – et évocateur Les Ronces.

La tonicité du verbe n’est pas que dans l’attaque ; des accents couronnent de manière très personnelle les consonnes, Cécile Coulon a une manière bien à elle de clore les mots, de se concentrer sur l’écoute du texte et non sur l’expression. Car c’est un fait, il ne s’agit pas d’être happée par l’émotion de l’interprétation. Non, Cécile Coulon prend soin de rester en interaction avec son public. Elle resitue ainsi chaque poème dans sa genèse. Mais ce lien va plus loin. Alors qu’elle tient le recueil d’une main, son regard ne s’évade pas dans les lointains, elle fixe chacun avec attention et semble vouloir mesurer la réception de sa lecture auprès de ses auditeurs, dans la droite ligne de la connivence évidente, spontanée, qu’elle a établie depuis cette première rencontre d’Écrivain à 3 Temps en octobre. C’est d’ailleurs avec malice qu’elle note, après coup, le sourire aux lèvres que fait naître en chacun La Javanaise, par le jeu imaginatif de Yannick Chambre.

 

« Il est plus facile de partager ses chagrins avec ses lecteurs que ses joies »

Alternent lecture et musique en échos complices. Toute tentation de sentimentalité évacuée, l’énergie et la volonté du duo se conjuguent. Pour autant, ce n’est pas en pleine lumière que les artistes mènent leurs auditeurs cet après-midi mais dans la brume. Ainsi de l’ambiance crépusculaire dans laquelle Cécile Coulon nous plonge : les odeurs, l’humidité ambiante, les inflexions des gestes des personnages évoqués trouvent dans les sonorités de l’accordéon qui leur succèdent une évocation juste, mélancolique. Et c’est tout juste si nous ne nous retrouvons pas à suivre ces personnages, sortant d’une brasserie, courant nuitamment par les rues de la capitale dans le crachin.

« La moindre chose devient une grande histoire »

Il faut dire que Cécile Coulon s’attache tout particulièrement à une poésie de l’anodin – elle va jusqu’à revendiquer une apologie du banal – ces situations de l’ordinaire qui dans leur instantanéité trouvent soudain un relief saisissant. Et de se référer au goût du voyage en train qui ouvre à tant d’observation et d’inspiration – constat partagé par Yannick Chambre. Pour Cécile Coulon, il est des trains extraordinaires, ceux qui la mènent de Clermont-Ferrand, son port d’attache, vers Nîmes ou Toulouse, traversant des paysages austères et surprenants. Pour un peu, nous prendrions bien à notre tour un ticket – à l’ancienne, un qui tâche les doigts – et une vieille valise pour la rejoindre dans cette virée contemplative. L’accordéon adopte alors un rythme entraînant, telle la locomotive qui conduit tout un chacun dans le fil de sa vie, perturbée par les contretemps, les cahotements du chemin, les changements de parcours…

Lecture musicale par Cécile Coulon et Yannick Chambre

 

 

Une discussion à 3 voix pour mieux saisir l'univers artistique de Cécile Coulon

 

« Les larmes font gonfler les plumes de l’oreiller »

Coupant cependant court à cette échappée, Cécile Coulon fait écho à l’actualité en invoquant les Noëls enfuis. Chaque stance est introduite par une paraphrase originale de Petit Papa Noël à l’accordéon, dégagé de tout gnangnan. Ces variations subtiles sous-tendent le trouble d’adultes plus tout à fait en mesure de traverser le résidu de la vie passée, enfance ou fleur de l’âge, que représente Noël sans jamais y retrouver l’innocence ou l’espérance d’antan. Cette évocation culmine avec une réinterprétation de Cécile, ma fille, clin d’œil à l’auteur, qui prend des airs de valse tournoyante, comme si, pour faire revivre les joies de ces Noëls regrettés, il fallait se griser, fermer les paupières, tournoyer et laisser remonter à la surface l’insouciance, dansant au son de l’accordéon.

Telle était la lecture musicale offerte par Cécile Coulon et Yannick Chambre. Une manière d’entrer en résonance avec une facette plus intime de Cécile Coulon, celle qu’elle exprime dans la poésie, ce qu’elle laisse déborder d’elle-même, comme des coulées de lave incandescente. Noir volcan, son prochain recueil de poésie paraît en février 2020. Gageons qu’il soit le compagnon fidèle de voyage de « ceux qui n’arrivent jamais à destination… »

 

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