Portrait de la jeune fille en feu - Céline Sciamma
Fin du XVIIIe siècle, Marianne (Noémie Merlant) débarque sur une île bretonne isolée pour peindre le portrait d’une jeune aristocrate, Héloïse (Adèle Haenel). Elle doit néanmoins réaliser ce portrait en secret de son modèle, car ce tableau est destiné à son futur époux, quand Héloïse se refuse à ce mariage contraint. Un jeu de dupes va alors s’établir entre les deux jeunes femmes, et la passion qui croît entre elles va se faire de plus en plus irrépressible.
Dès son premier film, Naissance des pieuvres, en 2007 (déjà avec Adèle Haenel), Céline Sciamma aborde les thématiques fondatrices de son travail, à savoir la féminité, l’homosexualité et la construction du désir. Ce film, de même que le suivant, Tomboy, prend alors la forme d’un récit initiatique, à travers la complexe et difficile découverte de la sensualité de ses jeunes protagonistes.
Avec Portrait de la jeune fille en feu, le cinéma de Céline Sciamma prend une ampleur toute nouvelle, en adoptant paradoxalement un dénuement total, et ce à tous les niveaux. Du point de vue narratif d’abord, puisque le scénario se concentre uniquement sur l’histoire d’amour naissante entre ses deux personnages principaux, toutes les scènes ayant un rôle dans ce développement. Du côté de la mise en scène ensuite, le film se jouant quasiment en huis clos sur cette île loin de tout, et dans cette bâtisse où les deux jeunes femmes sont quasiment seules, accompagnées simplement par Sophie, leur servante (Luàna Bajrami, discrète mais essentielle).
À ce titre la réalisatrice fait elle-même un parallèle avec…Titanic, dans le sens où il s’agit dans les deux cas de l’histoire d’une passion amoureuse fulgurante et interdite, circonscrite dans un temps et un espace limité. Mais l’évocation d’autres grands films de l’histoire du cinéma ne s’arrête pas là, et il est difficile de ne pas penser à Barry Lyndon de Stanley Kubrick, tant l’image somptueuse composée par Claire Mathon, la cheffe opératrice, évoque l’éclairage à la bougie de ce film mythique.
Sans militantisme d’aucune sorte, Céline Sciamma brise avec ce film pas mal de codes, et donne alors à voir un récit et des personnages aussi flamboyants que nécessaires, ce avec beaucoup de maestria.