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Effacer l'historique - Gustave Kervern & Benoît Delépine

Effacer l'historique

Benoît Delépine (Scénario)$Gustave Kervern (Scénario)

Trois Don Quichotte paumés en guerre contre les GAFA

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Quelque part en périphérie d'une ville de France, trois voisins de lotissement se retrouvent piégés par les nouvelles technologies et les réseaux sociaux. Il y a tout d'abord Marie, fraichement séparée de son fils et du père de ce dernier, qui noie son désarroi dans l'alcool, les sorties au "Badaboum" et les coups d'un soir. Le dernier en date la soumet à un chantage à la sextape. Christine, dont la dépendance aux séries télé lui a valu d'être licenciée. Désormais chauffeuse VTC scrupuleuse, elle oscille entre incompréhension et colère face aux notes données par ses client sur l'appli de son employeur. Bertrand enfin, père célibataire un brin dépassé, est confronté au harcèlement en ligne de sa fille qui refuse de retourner au lycée. Plutôt que de se laisser abattre, ces trois amis de galère vont partir en guerre contre internet et ses dérives.

Pour leur neuvième film en commun, les grolandais Benoît Delépine et Gustave Kervern, continuent leur exploration des travers de notre société. Avec Effacer l'historique, ils s'attaquent cette fois à l'hyperconnexion qui nous gagne et menace tous. Pour donner corps à leur critique, ils s'appuient sur les vicissitudes de trois héros aux vies plus chaotiques les unes que les autres. Pour incarner ces pourfendeurs des géants du net, trois acteurs dont le jeu créé une synergie jouissive. Blanche Gardin est désopilante dans son rôle de mère dépassée piégée, suite à une énième sortie alcoolisée, par un escroc à la petite semaine (Vincent Lacoste) fier descendant de l'inventeuse de la galette-saucisse ! Denis Podalydès, à la fois touchant et ridicule, nous offre des moments absurdement drôles telle une inénarrable scène de masturbation ou lorsqu'il rencontre enfin la téléopératrice mauricienne, dont il est tombé amoureux à la seul écoute de sa voix. Corinne Masiero ferme la marche à ce trio en incarnant une chauffeuse combinarde, adepte de la décroissance (mais pas à l'abri de la surconsommation) et cheffe de fil des gilets jaunes locaux. Avec un jeu plus mesuré que dans ses rôles précédents, elle revêt à la perfection le costume de cerveau de la petite bande. Accompagnant le trio de pieds nickelés dans leurs pérégrinations, des nombreux second rôles tous plus drôles et absurdes les uns que les autres : Bouli Lanners (en hacker se faisant modestement appeler Dieu), Michel Houellebecq (flegmatique acheteur de voiture suicidaire) ou Benoît Poelvoorde (livreur à vélo proche du burn-out), pour ne citer qu'eux.

C'est drôle comme du Kervern et Delépine, mais c'est surtout touchant. Le caractère saugrenu des situations vécues par des personnages d'une confondante banalité ne manque de provoquer un effet miroir. On se reconnaît rapidement dans ces trois personnages critiquant la déshumanisation d'une vie de plus en plus connectée tout en y adhérant, parfois les yeux fermés, à coup de nombreux "accepter les cookies". Au bout des 1h45 que dure le film, une envie paroxystique nous gagne : celle de jeter smartphones et autres objets connectés afin de reprendre en main nos vies et retrouver un monde où les téléphones ne seraient que deux pots de yaourts reliés par un fil.

 

 

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