« T’as de beaux jeux, tu sais » ! Dixième art et Médiathèques : quelle partie jouer ?
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Née en 1972 aux États-unis, la Magnavox Odyssey, fabriquée par Ralph Baer, fut la première console de jeu vidéo, et précéda de trois ans le premier jeu d’arcade : Pong par Atari.
Ce jeu bien connu des Retro Gamers d’aujourd’hui, consistait à simplement renvoyer de part et d'autre d’une ligne censée représenter un filet, une balle de la taille d’un pixel. Les grandes marques Matel puis Nintendo arrivèrent ensuite sur le marché à la fin des années soixante-dix, suivies par Sega, et le développement des ordinateurs personnels (PC) dans les années quatre-vingt permit aux jeux d’envahir les foyers français de manière plus systématique. L’arrivée des smartphones dans les années quatre-vingt-dix, a permis une implantation encore plus agressive du jeu dans les foyers et les plannings des utilisateurs, mais c’est l’ouverture de l’App store des Iphone qui a signé l’ère du jeu quotidien sur mobiles. Depuis le début des années 2000, de nouvelles marques se sont positionnées sur le marché et les consoles n’ont fait que se développer et prospérer, avec entre autres l’arrivée tonitruante de Sony et de sa Playstation, en 2000, ou bien de Microsoft en 2001 avec sa Xbox. Depuis, le jeu est devenu un art, voire un sport.
Le dixième art
En novembre 2012, le MoMA (le Museum of Modern Art à New York), décide d'intégrer 14 jeux vidéo à sa collection d’œuvres d'art. De même, depuis 2011, la cour suprême des États-Unis reconnaît officiellement le jeu vidéo comme un art. En France, c'est depuis 2006 que le ministère de la Culture a admis le jeu vidéo comme une forme d'expression artistique et demande qu'elle soit considérée comme telle juridiquement. Et c’est bien le cas aujourd’hui. La désignation «dixième art» a aussi été revendiquée pour les arts numériques en général, que sont l’infographie, le web design et le jeu vidéo.
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Une culture plébiscitée par les publics et le milieu du sport
Aujourd’hui, le jeu est partout, tout le temps, que ce soit sur les consoles ou les PC pour les gamers chevronnés, mais aussi sur les smartphones, plus récemment, dans une optique beaucoup plus large, populaire et familiale, avec des jeux de pure détente, assez, voire très simples (Angry Birds, Rayman adventures, Clash Royal ou les classiques Pendu, Sudoku, …). Mouvement que l’on rapprochera d’ailleurs du Retro Gaming, manière de retrouver en 2018 une façon légère de jouer « comme les anciens », sur des consoles d’époque ou recréées à partir de circuits électroniques simples, mais aussi sur son smartphone ou sa tablette (cf l'application Sega Forever).
Concernant les consoles et les PC, si les classiques jeux de plateformes (Mario, Crash Bandicoot…), de courses de voiture, ou de compétitions sportives (Fifa) font toujours recette, tandis que les FPS (pour jeux de tirs en vue à la première personne) tels Call of Duty, Battelfield, CounterStrike, Overwatch, rassemblent aussi énormément de joueurs, souvent sur des terrains de conflits et de mondes imaginaires.
Depuis les balbutiements de ce média, les studios n'ont eu de cesse de proposer des jeux d'aventure, pouvant prendre différentes formes. Parmi les premières aventures vidéoludiques, on trouve les Point and click : Les Chroniques de Sadwick, Machinarium, Life is strange et les jeux du studio Telltale Games (The Walking Dead, The Wolf Among us) où les choix du joueur sont primordiaux, sur des histoires très scénarisées, évolution des « histoires dont vous êtes le héros ».
Dans cette grande famille apparaissent également les jeux d’horreur (Resident Evil, The Last Of Us…). Plus immersifs et gourmands en ressources encore, les jeux de rôle (RPG) , en solo (Final Fantasy, The Witcher…) ou en multijoueurs (les fameux MMORPG : World of Warcraft, Dofus…) et depuis peu, les « Battle Royale » (Player Unknow battleground, Fornite Battle Royal…), mixant tire et survie.
Dans un registre un peu différent, mêlant jeu d’aventure et tir à la première personne, se sont aussi développés au cours des quinze dernières années des films interactifs, où les scènes cinématiques, à l’intérieur de scénarii crédibles mettant en scène des personnages du quotidien, comme «Heavy Rain », du studio français Quantic Dream, offrent un rendu graphique quasi cinématographique. Ceux-ci intéresseront davantage un public plus adulte.
Notons aussi l’arrivée des casques de réalité virtuelle (Oculus Rift, MMixed Reality, Hololens…) développant encore les possibilités immersives, au delà de l'aspect purement vidéoludique, avec notamment les course de drones. Cette activité utilise dans certaines parties une autre forme de casque, les casques FPV, pour First Person View, vue à la première personne, et se positionnent de leur côté comme un élément fort, rejoignant cette culture par le biais du sport, de l’aéromodelisme, et de l’adresse.
Les amateurs forcenés se retrouvent lors de compétitions rassemblant des milliers de personnes, organisées un peu partout dans le monde, comme lors de la Gamer Assembly à Poitiers. Créée en 2000 par l’association Futurolan (avec 2000 joueurs en 2017, 200.000 spectateurs et plus de 300 000 euros de dotation pour les gagnants) cette manifestation est en passe de devenir la capitale européenne du jeu vidéo. Quant à la présence des jeux vidéo aux futurs jeux olympiques de 2024 à Pyeonchang, cela reste encore à l’étude, tant il est vrai que cette discipline est loin de faire l’unanimité auprès des comités.
Une ouverture en bibliothèque
Certaines bibliothèques ont déjà su intégrer le jeu de société classique à leurs ressources, mais les médiathèques de plus grande taille ont déjà franchi le pas du jeu vidéo. On peut citer : la BnF, la médiathèque Françoise-Sagan, La Gaîté-Lyrique à Paris, celles de Cergy, d’Hénin-Beaumont, Osny, Choisy-le-roi, Jean-Jacques-Rousseau à Montpellier, Meyzieux, Strasbourg... parmi les plus actives ou achalandées. Que ce soit par le biais d’applications de jeu sur tablettes (prêt ou sur place), avec des jeux tels Machinarium, Monument Valley, Botanicula… de prêt de consoles, de licences sur pc (Minecraft, Steam…), toutes les structures ayant franchi le pas bénéficient de beaux succès, d’autant plus lorsque des animations régulières sont mises en place.
Certaines ont fait appel à des associations (comme Ouest Games par exemple), pour une animation plus ou moins longue ou une exposition, afin de faire découvrir l’univers aux usagers. La structure stéphanoise DiGame (ex 1DTouch) propose aussi l’accès en ligne à des jeux vidéo indépendants. En expérimentation depuis un an, celle-ci offre actuellement 31 jeux.
Les expériences nationales de chaque animateur et des structures qui les embauchent sont variées et on peut les trouver rassemblées sur le web via certains réseaux sociaux, comme la page Facebook « Jeux vidéo en bibliothèque », par exemple, ou via des retours directs sur leurs sites web. Un article du site Numerama.com, de décembre 2016 a proposé un bilan utile et plutôt réaliste de la situation (Bilan sur le jeu vidéo de la revue Numérama), et le sujet interroge régulièrement les professionnels.
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Au-delà de ses aspects purement numériques et techniques, il est aussi question du temps consacré à cette culture, et nombreux sont les parents ou familiers à s’inquiéter de l’addiction que peut représenter le jeu vidéo pour certains de leurs proches. Cette addiction précise a d’ailleurs été officiellement reconnue comme une pathologie par l’OMS en juin 2018. Si cela peut effectivement représenter un facteur désocialisant pour les plus fragiles, il est néanmoins reconnu que les facultés développées par le jeu (réactivité, précision, concentration…) intéressent certains professionnels, de l’aéronautique par exemple, et il est évident que dans une certaine mesure, l’économie grandissante autour des jeux vidéo représente des opportunités concrètes d’embauche, dans différents domaines. Le sujet est donc beaucoup plus riche et nuancé qu’il n’y paraît.
Franck GUIGUE