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La scène alternative musicale française des années quatre-vingt
soyons fous ! (Going loco !)

 



Les années quatre-vingt sont souvent associées en France avec la scène dite « Variété New Wave » popularisée par des groupes chantant en français, et directement liés aux radios grandes ondes, à la télévision et aux clubs, où leurs musiques passaient en boucle. On ne fera pas l’affront de citer des noms, car le sujet qui nous intéresse se situe plutôt du côté « obscur », où alternatif, pour ne pas dire « underground » de son revers, directement influencé par la scène anglaise, mais aussi beaucoup par celle des États-unis et de l’Australie, terres de rock marquantes.

Le punk, et après ?

Prenons le fait établit que le punk définit cette scène. En 1979, après quelques essais qui auront marqué jusqu’à Londres, (voir : Les 30 Plus Grands Succès Du Punk - Skydog International, 1987 et 1992) la première « french Touch » bat de l’aile. Asphalt Jungle, les Guilty Razors, Stinky Toys et surtout Métal Urbain se sont fait remarqués sur les scènes britanniques, sans parler de Little Bob Story, groupe pub rock un peu à part mais déjà bien implanté sur le circuit anglais. La New Wave n’est pas encore tout à fait là, mais le Post Punk, lorgnant vers l’électro, affute ses synthés et des groupes étrangers comme Cure, Wire, Devo, Magazine, font souffler un vent nouveau.
Dans le même temps, une sorte de revival purement guitare, lorgnant du côté des années soixante pop et psychédéliques américaines ou anglaises, émerge. En France, cette alchimie de guitares et de synthétiseurs va influencer de jeunes gens, que l’on qualifiera de « modernes ». Si certains comme Etienne Daho, Taxi Girl ou les Rita Mitsouko se feront rapidement un nom, d’autres resteront collés à leur garage de répétition, et écumeront les petits festivals, enregistrant leurs disques sur les labels indépendants, qui vont fleurir, tout comme leurs histoires seront contées dans des fanzines qui accompagneront leur carrière, marquant toute une génération.

Enregistrements

Pour se faire une idée de toute cette scène, le mieux est de mettre la main sur les éventuelles compilations qui ont été éditées soit en leur temps par les labels concernés, (New Rose, Closer, Bondage, Gougnaf, Dancetaria, Rock hardi...), sous forme vinyle, mais aussi CD, à partir de 1990 souvent. N’oublions pas non plus les cassette audio du label Kronchdat Tapes, ou celles des nombreux fanzines comme Rock hardi, (International Fun Club à partir de 1987 ou les 45 tours du fanzine Nineteen, ou ceux du Légume du jour (1987-1990) qui permettaient de faire connaissance avec l’essentiel des formations d’alors, tous styles confondus. Ces supports en édition limitée étant cependant devenues très rares aujourd’hui, il faudra plutôt se tourner vers des blogs spécialisés d’amateurs, qui ont numérisé tout cela. On notera aussi les compilations régionales ayant été éditées ultérieurement, sous forme CD et ou vinyle, permettant de « revisiter » le patrimoine de grandes villes rock de manière plus simple.

Les disques se commandaient via les listes de VPC liées aux petits labels et distributeurs, qui seront flores aussi : Sonics, New Rose, Closer, Bondage, Kronchdat Tapes, Underdog, le silence de la rue, Dancetaria…, chez les disquaires spécialisés, ou à la Fnac, alors encore havre d’accueil du support vinyle, bien que le CD commence à partir de 1984 à se tailler sa part du marché.
N’oublions pas aussi de citer le développement des radios libres à partir de 1981, véritable vivier de radios associatives, qui verra de nombreuses playlists spécialisées en petits labels diffusées dans tout l’hexagone.
 

 



 



 

Fanzines…

On a cité Little Bob Story, qui existe depuis 1971, mais les Dogs apparaissent comme LE groupe alternatif qui aura le plus symbolisé et marqué ces années quatre-vingt françaises. Originaires de Rouen et menés par le charismatique Dominique Laboubée, ceux-ci vont jouer sous différentes formations, de 1973 à 2002, année de la mort brutale du chanteur, intervenue sur scène, en octobre de cette année-là. Le fanzine toulousain Nineteen, incontournable de cette scène (25 numéros entre 1982 et 1988) portera d’ailleurs le nom d’un de leur premier titre. Il sera accompagné par un supplément nommé Going Loco (soyons fous). 
C’est dans ses pages que tous les amateurs de sons rock différents vont s’abreuver durant toute la décennie, aux côtés de On n’est pas des sauvages (1981-1984), Rock hardi (1982), Tant qu’il y aura du rock (1984-88), Les héros du peuple sont immortels (1986-87), puis Abus dangereux (1987), pour ne citer que les plus connus.
N'oublions pas non plus de citer Metal Hurlant, qui, après Actuel, a été l’une des principales et premières revues vendues en kiosque, à faire cohabiter de belle manière les deux cultures Rock et graphisme/BD. Elles ont été suivies durant toute la décennie par de nombreuses petites sœurs (Yeti, Zoulou, Viper...etc.), sans parler des fanzines BD qui leur rendaient aussi la pareille.

Les groupes, les scènes

On peut tenter de ranger les nombreux petits groupes qui ont sévit durant les années quatre-vingt dans les catégories ci-dessous. Catégories plus ou moins issues/influencées par ce qui se passait en Angleterre, aux États-Unis et en Australie. À noter que la scène plutôt influencée sixties punk (et donc rock’n’roll) chantant davantage en anglais, a débuté très tôt, se retrouvant d’ailleurs sur des compilations anglaises ou américaines, tandis que la scène vraiment dite « alternative », dans le sens généralement compris au niveau amateur et populaire, correspondant à des choses plus engagées et chantées dans la langue de Molière, s’est plutôt fait entendre à partir de 1984.
​​​​​Les labels de référence à cet endroit : Gougnaf et Boucherie productions, débutant en 1984 et 1987 respectivement. Tandis que Kronchdtat Tapes, micro-label de Saint Etienne spécialisé punk et porté par Laurent Malfois, musicien dans le groupe reggae dub Babylon Fighters éditait déjà des groupes en 1982 sur des cassettes audio, d’où le nom du label.

Petite sélection de groupes :

Les Thugs, Real Cool Killers, Oberkampf, Shifters, Strychnine, Fixed Up, Batmen, Shtauss, Scuba Drivers, Shakin Street ; Rockin’ Rebels, Crabs ; Babylon Fighters ; les Dogs, les Coronados, Stilettos, Roadrunners, Flamingos, Les Playboys ; Taxi Girl, Kid Pharaon, Les Désaxés, Les Soucoupes violentes, les Calamités, Lolitas, Snipers, Blessed Virgins, Charles de Goal, Gilles Tandy, Rythmeurs, Gamine, Les Porte manteaux, les Provisoires, Shredded Hermines, Little Nemo ; les Garçons bouchers, Hot pants, Mano Negra, Les Rats, Wampas, La Souris déglinguée, OTH, Béruriers noirs, Warum Joe, MolodoÏ, Ludwig Von 88, Les VRP, Parabellum, Los Carayos ; Camera Sirens, Kommitern Sect…

 



 

I wish it could be 1985 again ?

Cette scène culturelle, comme toute scènes liées à une époque, a laissé une saveur très particulière à toutes celles et ceux qui l’on vécut de plein fouet. De manière un peu nostalgique mais pas inexacte, on a souvent tendance à comparer ce qui s’est passé dans les années soixante avec ces années quatre-vingt, où le Do It Yourself et les micro-labels, fanzines, et surtout le phénomène de radios libres sur la bande FM toute nouvelle, évoquait la liberté de ton des années « yéyé ». L’entrée progressive dans les années quatre-vingt-dix a participé à hacher menu tout cela, d’une part avec la montée progressive du CD, qui a remis à plat l’économie du disque et des petits labels vers 1988, la disparition quasi systématique des radios libres entre 1987 et 1989 à cause du remaniement de la haute autorité de régulation, et enfin l’arrivée de normes de plus en plus strictes concernant les lieux de diffusion, dont le décret sur les décibels en 1997 a achevé beaucoup de velléités et professionnalisé dangereusement (précipité vers sa perte ?) la scène Rock, pour un certain temps.

Si les mouvements underground ont cela dit perduré tant bien que mal au fil des années 90 et jusqu’à aujourd’hui dans une certaine mesure... il est difficile aujourd’hui de retrouver l’effervescence de ces années-là, où la musique et le graphisme (et la BD) étaient aussi particulièrement liés.

FG

Une sélection d'œuvre de rock alternatif français des années 80

 

 

La renaissance de Closer, le label rock des 80's