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Derrière les barreaux, le rêve d’évasion !
« C’est dans les prisons que l’idée de liberté prend le plus de force » - Jean Cocteau

 


Andy Dufresne, interprété par Tim Robbins, dans le tunnel qu'il a creusé pour s'échapper - Les Évadés, Frank Darabont

 

Emprisonné, interné dans un camp de travail, ou bien encore condamné au bagne, celui qui subit l’enfermement rêve de retrouver la liberté. Si l’idée même d’évasion traduit avant tout une transgression à l’intérieur d’un monde carcéral, elle induit aussi la projection d’une possibilité, voire l’élaboration d’un plan pour passer d’un espace à un autre, pour transformer la réclusion en délivrance.

Cependant si l’évasion réussit, qu’en est-il de cette liberté retrouvée ? Si tous ces évadés ont bel et bien utilisé toute leur ingéniosité pour sortir, qu’ont-ils imaginé pour la suite ? Le cinéma, qui s’est largement emparé de ce thème, offre d’intéressantes pistes de réflexion. Tour d’horizon de ces personnages prêts à tout pour retrouver leur liberté.

Petits scénarios d’évasion

En 1844, débute la publication d'une œuvre majeure, qui va profondément bouleverser le genre du roman d'aventure. Avec son Comte de Monte-Cristo, Alexandre Dumas a posé les jalons d’un véritable mythe littéraire qui entraîne dans son sillage, suites, variations, réécriture et adaptation. En effet, l’histoire d’Edmond Dantès et de son évasion rocambolesque de la forteresse du Château d'If, au sein de laquelle il a été injustement emprisonné pendant 14 ans, offre un merveilleux socle pour une adaptation sur grand écran. Parmi les plus notables, on peut nommer The Count of Monte Cristo de 1908, premier film à avoir été tourné (en partie) à Hollywood, mais également la version américaine en noir et blanc de 1934, ou encore Le Comte de Monte-Cristo de 1954, qui confie le rôle de Dantès à Jean Marais.

Chacune de ces adaptations permet de redécouvrir l’extraordinaire évasion de Dantès. Tandis que ce dernier est au plus mal, il fait la rencontre de l’abbé Faria, un autre prisonnier avec lequel il noue une profonde amitié. Malheureusement, l’abbé est gravement malade. Après avoir instruit Dantès et lui avoir révélé son secret – celui d’un immense trésor qui l’attend, caché sur la petite île de Monte-Cristo – l’abbé Faria décède, offrant à son compagnon de cellule un dernier présent : une unique occasion de s’échapper. Prenant la place de son ami dans le sac mortuaire, Edmond Dantès est jeté à la mer par les gardes de la prison. C’est seulement après s’être extrait du sac et avoir nagé sept kilomètres jusqu’à la terre, qu’Edmond Dantès retrouve la liberté et rejoint le monde, sous l’identité du Comte de Monte Cristo.

Dans L’Évadé d’Alcatraz, film de Don Siegel adapté du roman éponyme de J. Campbell Bruce, quatre détenus planifient minutieusement leur évasion pendant plus de deux ans. A l’aide de cuillères volées au réfectoire, de faux mannequins en papier mâché et d’un canot de sauvetage confectionné à partir d’imperméables, les quatre prisonniers tenteront de s’échapper de la prison fédérale d’Alcatraz.


Edmond Dantès retrouvant la liberté - Affiche promotionnelle pour l'édition illustrée de L'Écho des Feuilletons dans laquelle est publié Le Comte de Monte-Cristo

 

 

Autre film culte, Midnight express d’Allan Parker, s’inspire directement de l’histoire vraie de William Hayes, un touriste américain arrêté et emprisonné en Turquie pour trafic de stupéfiants. Condamné à 30 ans d’emprisonnement, il va tout tenter pour prendre le train de minuit, en d’autres termes s’évader. Après s’être battu avec un gardien, lui avoir volé son uniforme et ses clés, c’est aussi par la mer qu’il tentera de s’échapper.

Papillon de Franklin J. Schaffner est directement inspiré, quant à lui, de l’histoire d’Henri Charrière. Condamné à une peine de prison à perpétuité au bagne de Cayenne, coupable d’un crime qu’il jure ne pas avoir commis, c’est à bord d’une barque de fortune puis grâce à un sac rempli de noix de coco qu’il tentera de fuir.

Enfin, du côté du bien nommé Les Évadés, de Franck Darabont, c’est plusieurs années passées à creuser le mur de sa cellule qui permettront à Andy Dufresne, un banquier accusé à tort du meurtre de sa femme et de son amant de s’échapper du pénitencier fédéral de Shawshank pour refaire sa vie au Mexique.

Ces évasions, inimaginables, improbables et pourtant bien réelles, font ressentir au spectateur peur, joie, satisfaction ou même déception tout en l’amenant à vivre lui-même l’évasion et à en éprouver toute la tension et le suspens.

S'évader, certes... et après ?

Si certains récits d'évasions font de la quête de liberté l'objectif ultime de leurs protagonistes, s’il apparaît comme tout naturel pour ces histoires de trouver leur conclusion au moment où les personnages s'extraient de leur condition de détenus, d’autres fictions vont plus loin et s’intéressent au devenir de leurs personnages. Pour ces derniers, passer les grilles de la prison ne revient qu’à faire un premier pas sur le long et difficile chemin de la liberté.

La difficile reconquête de la liberté

Dans Les chemins de la liberté de Peter Weir, adaptation du récit controversé À marche forcée de Slawomir Rawicz, sept détenus réussissent à s’échapper d’un camp de travail en Sibérie. Il leur restera néanmoins plus de 6 000 km à parcourir à pied pour espérer retrouver leur liberté. Ici, c’est la nature – magnifique, immense mais terriblement hostile et dangereuse - qui sera le défi à relever pour survivre.

Avec Down by Law, Jim Jarmush nous narre le parcours de deux compagnons de cellule que tout oppose. Ceux-ci sont rejoints par un immigré italien, rempli de l'entrain qui leur manque, et qui leur propose de s'évader. S’ensuit pour cet improbable trio une longue et périlleuse cavale, à travers le bayou inhospitalier de la Nouvelle-Orléans, cavale durant laquelle vont se matérialiser les liens qui unissent les compagnons de galère, qui soudent entre eux les individus ayant traversé ensemble des épreuves qui les auraient terrassés s’ils avaient été seuls. Un film non dénué d'humour !

 

 

L’évasion comme seconde naissance

Parmi tous ces récits relatant des évasions extraordinaires, il n’en est pas un seul dans lequel les personnages n’ont pas été irrémédiablement transformés par les épreuves traversées durant leur incarcération. Pour certains cependant, la conclusion de l’expérience carcérale va bien au-delà de la simple métamorphose. Dans ce cas, l’enfermement revêt la forme d’une mise à mort symbolique du personnage et son évasion celle d’une renaissance sous une nouvelle identité.

Cette idée, Alexandre Dumas l’illustre de manière limpide dans son Comte de Monte-Cristo. En effet, difficile de retrouver dans l’érudition, les manières sophistiquées, mais également le cynisme extrême du Comte de Monte-Cristo quoi que ce fut du caractère jovial et profondément candide d’Edmond Dantès. Cette mise à mort de ce que son personnage était jadis, Dumas le représente parfaitement en le dépouillant presque entièrement de son nom pour ne le qualifier plus que par son titre éponyme de Comte de Monte-Cristo.

Cette idée, on la retrouve également dans V pour Vendetta, film de James McTeigue, sorti en 2006 et adapté du roman graphique du même nom d’Alan Moore et David Lloyd. Dans cette uchronie se déroulant en 1997, un homme dissimulé sous un masque et répondant au nom de V tente de faire chanceler sur ses bases le gouvernement fasciste instauré en Angleterre. Le spectateur apprendra plus tard que ce mystérieux personnage est en réalité un ancien prisonnier, rescapé d’un camp de concentration. Gravement mutilé suite à l’incendie qui lui a permis de s’échapper, il abandonne son existence pour se constituer une nouvelle identité. Pour visage, il se choisira un masque représentant Guy Fawks, l’un des leader de l’organisation à l’origine de la Conspiration des poudres de 1605, et pour ses idéaux et sa philosophie, il s’inspirera… d’un certain Comte de Monte-Cristo, dont il est un fervent admirateur. La boucle est bouclée !

Au final, bien qu’ils ne constituent pas un genre à part entière, ces récits d’évasion, qu’ils soient ou non inspirés d’histoires vraies, donnent (presque) toujours lieu à des histoires fascinantes, qui jouent sur l’investissement affectif du spectateur. Celui-ci accompagne le ou les détenu(s) dans leur désir profond de retrouver la liberté, il est attentif à tous les dangers, à l’incertitude de l’aventure et à l’issue finale de la tentative de fuite.