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Les MOOKs mettent en avant le dessin !

En dehors des revues exclusivement consacrées au dessin ou à l’illustration (Les Arts dessinés, par exemple), une myriade de titres consacrant le dessin comme élément essentiel de la maquette et de la politique éditoriale est apparue, au début des années 2000. Le public visé : un lectorat plus jeune, féru de culture pop, de voyage, de  découvertes.

Les sujets de ces revues sont souvent culturels et chacun se fait fort de trouver une porte d’entrée  originale pour séduire son  lectorat et trouver l’équilibre. Découverte d’une dizaine de titres les plus éloquents parmi ceux mettant en avant l’illustration. Et si l’on est intéressé par les illustrateurs, tendance culture populaire, on se  reportera utilement au blog La Belle illustration

Qu’est-ce qu’un Mook ?

D’après la revue européenne des médias et revues numériques, il s’agit d’une « nouvelle formule éditoriale à mi-chemin entre le magazine et le livre. Contraction des mots « magazine » et « book », le néologisme « mook », à  l’intonation marketing, est une revue au contenu accessible au plus grand nombre. »  Le mook ou encore mag-book possède une périodicité généralement trimestrielle, une pagination importante (150 à  200 pages) ; un prix de vente approchant celui du livre. Sans publicité, il est distribué exclusivement  en librairie. Le même site nous apprend que « Si le concept est originaire du Japon, le terme Mook a été choisi par les Editions Autrement pour baptiser leur collection de « livres-magazines » créée en janvier 2008. » Il s’agit depuis 2007  d’une marque déposée.

Prendre le temps et penser autrement

Au-delà de leur format et de leur périodicité, la particularité de ces magazines est de ne pas se laisser dicter les  sujets uniquement en fonction de l’actualité, à l’opposé d’un journalisme numérique happé par la course aux clics. Les mooks s’inscrivent donc dans la mouvance Slow Journalism. La périodicité est le plus souvent trimestrielle ou  semestrielle, ce qui leur permet une disponibilité de plusieurs mois dans les kiosques et/ou librairies, afin d’atteindre davantage de lecteurs qu’un magazine.

Les mooks sont une manière pour le journalisme de reprendre son temps, de penser la temporalité différemment, de sortir de l’infobésité et de l’immédiateté - Larevuedesmedias.ina.fr

Les précurseurs

Considérant l’aspect purement graphique, on peut estimer que cette propension à pousser le dessin en avant trouve  une origine, ou tout du moins une influence, aux États-Unis, où culture du dessin de presse et du Comics oblige. The New Yorker en est un exemple parfait, référence ultime publiant depuis des décennies de superbes couvertures  crées par les plus grands artistes internationaux.

Dans cet esprit, The Believer (États-Unis, 2003), cinq fois finaliste au National Magazine Award, est un magazine  bimestriel mêlant littérature, arts et culture, dépendant du campus de l’université de Las Vegas (Nevada). Chaque  numéro comporte des essais, du journalisme, des interviews intimistes, une bonne section de comics (alternatifs), de la poésie, ainsi qu’une page par l’essayiste et romancier Nick Hornby, où il évoque ses lectures en cours. Les  couvertures fluctuent mais sont à 99.9 % dessinées par la crème des artistes  du pays. Une référence, car les  illustrations et/ou comics sont signées par Daniel Clowes, Kostiuk Williams, Leela Corman, B Hayward, Tommi Parish, Chris Ware, Maria Nguyen, Samar Haddad...

La part belle donnée à la création graphique

Mouvement de cause à effet, Kiblind, média français dédié à la culture visuelle et l'illustration contemporaine, est  fondé en 2004. Basée à Lyon et Paris, son équipe forme également une agence spécialisée dans la communication visuelle, l'édition et les collaborations artistiques pour des lieux, des marques, des institutions ou des médias. On  trouve Kiblind dans de nombreuses manifestations culturelles Rhône-alpines (dont le Festival Ciné Court animé de Roanne). S’il promeut surtout des événements, compagnies, labels musicaux et animations, souvent avant-gardistes, de la région, la mise en lumière d’artistes graphiques fait partie de son ADN. Sans doute l’un des plus conséquents en ce domaine. Kibling accueille des illustrations de : Jinhwa Jang, Laura Breiling, Tzuzuki Mayumi, Saori Haraguchi, Ugo Bienvenu... etc.

Le premier numéro de La Revue dessinée « l’information en bande dessinée » est paru en septembre 2013, après  une campagne de financement participatif. Comme son nom l’indique, la revue trimestrielle propose des reportages sous forme de bandes dessinées, par la crème des auteurs modernes associée au genre reportage (ou pas). Topo est venu le rejoindre en 2016. Consacrée aux jeunes de moins de vingt ans, cette revue a été fondée par le groupe des cofondateurs de La Revue Dessinée. C’est la tragédie de Charlie Hebdo, à laquelle de nombreux adolescents ont réagi par un sentiment d’incompréhension, qui leur a fait comprendre qu’il y  avait matière à proposer à ces publics une autre grille de lecture du monde. Topo est une revue exclusivement réalisée sous forme de bandes dessinées et une structure éditoriale indépendante gérée par ses fondateurs. Auteurs  déjà vus : Frederic Peeters, Hugues Micol, Nix, Benjamin Bachelier, Nice Antico Marion Mousse, Lisa Mandel,  Erwan Leterrier... Autant dire deux indispensables pour tout amateur de BD et de découvertes.


Une autre façon de vivre l’actu ou le monde

XXI Cette revue épaisse, ayant engrangé 49 numéros depuis 2008, a réussi le pari de se positionner comme LA référence Mook sur le marché français. Sa popularité n’est plus à démontrer, avec 50 000 exemplaires distribués et plus de sept mille abonnés. Son principe : raconter l’actualité avec des longs reportages, dont certains entièrement  réalisés sous forme de bande dessinée, par les auteurs les plus engagés et  doués de la dernière génération. Crée par Patrick de Saint Exupéry, journaliste, et Laurent Beccaria, patron des éditions de l’Arène, la revue fait partie d’un  groupe indépendant, composé également de 6Mois (journalisme et la photo), La Revue Dessinée et Topo. Des revues sans publicité pour poser un regard différent sur le monde. Marion Quillard et Léna Mauger en sont devenues  rédactrices en chef depuis 2018.  On y trouve des iIllustrations de Stéphane Oiry, Yasmine Gateau, Veronique Joffre, LucasVarelaBD, ClémentBaloup, Leataiilefert...

Feuilleton « passe en revue le monde ». Lancée en septembre 2011, cette revue dirigée par Gérard Bérréby propose 192 pages de reportages étrangers et de nouvelles littéraires, le tout accompagné d’infographies, d’illustrations et de photographies. Couvertures par Jérémy Perrodeau, Stéphane Trapier,  Ugo Bienvenu, Aline Zalko, Icinoru, Simon Roussin… Les éditions du Sous-Sol publient aussi des romans, dont le primé « Jours barbares » de William Finnegan  (Prix Pulitzer, 2015).  Illustrations de Tess Kinsky, Nicolas André, Mélodie Boulissière, Claude Chanot, Aleksi Cavaillez, Robert Crumb, Andrew Clark...

Usbek & Rica est un magazine trimestriel français de journalisme de récit, fondé en 2010 par Jérôme Ruskin. Il s'est  donné comme slogan « Le magazine qui explore le futur. Tous les futurs : ceux qui nous font peur et ceux dont on  rêve » et s'inscrit dans le champ de la prospective. « À l’origine, le média s’appelait Luka, en référence aux Lumières, qui  bouleversent l’Europe au XVIIIe siècle. Ce nom, qui fait écho à la volonté du créateur de porter un regard  universel et objectif sur les choses, sera finalement remplacé par Usbek & Rica, en hommage aux personnages  éponymes des Lettres Persanes de Montesquieu » Quelques illustrateurs collaborant à Usbek & Rica : Richard A Chance ; Vinnie Neuberg ; Manon Molesti ; Jared Freschman ; Alvaro Bernis ; Kim Roselier ; Andrea Mongia ; Philip Lindeman ; Valentin Tkach...

America (2017), Lancé par François Busnel, présentateur de La Grande Librairie (France 5), et Éric Fottorino, directeur de l’hebdomadaire Le 1, ce mook raconte l’Amérique à hauteur d’homme et sans préjugés. Illustrations de Thomas Hayman, Max Loffler, Manon Bucciarelli, Miles Hyman, Marco de Massi, Bartosz Kosowski, ClaraDuper…
 

Les Mooks à la française

Schnock (2011), une revue que l’on qualifiera de Pop ou de Geek, mais qui se sous-titre elle-même « la revue des vieux de 27 à 87 ans » met à chaque numéro en couverture une figure du cinéma ou de la variété française, plutôt datée années soixante-dix. Autant dire un sacré parti-pris et donc bien en phase avec son nom. On y lit, dans une  maquette assez moderne et jeune, des dossiers fournis sur ces figures populaires. Les auteurs fluctuent suivant les  sujets, Benoit Sabatier y signant des papiers aux côtés d’autres journalistes tels : Jean-Luc Bitton, Jean-Emmanuel  Deluxe, Stephane Lerouge, Benoit Mouchard, Arnaud le Guern…etc. La couverture est toujours assurée par Erwan Terrier.

L’Elephant (janvier 2013) : « la revue de culture générale »  Une revue davantage grand public, avec des dossiers adaptés aux publics adolescents, et avec des photos en sus d'illustrations. Une belle couverture dessinée est cependant revendiquée, à chaque numéro.

Zadig (2019). Le 21 mars dernier, Éric Fottorino a lancé, avec François Vey et  l’équipe du 1, un nouveau trimestriel, Zadig. Son projet : rendre lisible un pays  devenu illisible, la France, et réconcilier les Français avec leur nation, sous tous ses  aspects. En plus de reportages dessinés de Mathieu sapin, les couvertures très  stylées sont de : Andrea Ucini,  Tom Haugomat, Jean julien Art, Guy Billout, Mathias Lehmann.

Mais aussi : Yggdrasil : un magazine abordant tous les sujets liés à l’effondrement avec des analyses scientifiques,  propositions politiques innovantes, de l’écopsychologie, de la spiritualité, des savoir-faire traditionnels, de la « lowtechs ». Distorsion (2011), We Demain (2012), Charles (2012) revue politique, Citrus « revue piquante et  acidulée », Crimes et châtiments (2012), Sang-froid (2012)…
Toutes ces revues ne mettent pas en avant de la même manière le dessin et les illustrateurs, et la photographie peut  être aussi privilégiée. Le projet de la majorité d’entre elles est de défendre  de nouvelles manière de lire et vivre  l’information. En cela, elles restent toutes importantes. Le mieux à faire, lorsqu’on est intéressé par les illustrateurs, est de s’abonner aux comptes Instagram des revues, endroits privilégiés mettant ces derniers en valeur.