La parémiologie jardinière ou l'art du dicton paysan
Les dictons et les proverbes sont souvent considérés comme éculés, un peu ridicules et vaguement moralisateurs. Mais quoi de plus drôle que de les maltraiter pour leur donner une saveur nouvelle ?
Bien mal acquis n'est pas perdu pour tout le monde. Qui paye ses dettes n'amasse pas mousse.
Ceux qui ont trait à la météo et aux cultures sont plus particulièrement utilisés et ressassés à l’envi par les apprentis jardiniers. Pourtant, qu'a de particulier un dicton pour être ainsi considéré ?
Les proverbes datent de…
Les proverbes datent de ma grand-mère qui les tenait de sa grand-mère qui assurait que c’était sa propre grand-mère qui les lui avait transmis… Cet héritage brumeux de nos aïeux, cette sagesse d’un autre temps plonge ses racines dans l’antiquité pour mieux tendre ses branches vers les nouvelles générations qui s’en délectent, moqueurs et un peu attendris. Ces dictons sont des sortes de recettes pour vivre sans trop de drames les catastrophes de la vie des gens près de la terre. C'est un cours de philosophie appliquée au quotidien.
Considérés comme issus d’une pensée lointaine et mainte fois vérifiée, les dictons sont reconnus et font autorité, comme on ferait confiance aux Anciens du Clan. Même si ces proverbes sont usés jusqu’à la corde et décalés des usages actuels…
Pluie du matin, n'arrête pas le pèlerin.
Un bon dicton doit rassembler quelques éléments indispensables : la prosodie et la métrique pour la mémorisation et la marque du bon sens pour être utile. Par exemple :
S’il fait froid en début d’hiver,
les récoltes céréalières seront bonnes
sera infiniment moins parlant que
Neige et Froid en Décembre,
Du blé à revendre.
Les Saints de glace
Fut un temps où la grande majorité de ces dictons était liés aux saints plutôt qu'aux dates calendaires. Moins attachés au calendrier catholique, nous avons maintenant quelques difficultés pour situer les saints associés à ces dictons... Ainsi, retrouver la bonne Catherine dans le calendrier n'est pas évident. Ne vous précipitez pas sur l'éphéméride : il s'agit de Catherine d'Alexandrie, fêtée le 25 novembre.
Prenons le cas des fameux Saints de glace avant lesquels aucun jardinier digne de ce nom ne mettrait ses tendres plantations en terre sans craindre les gelées.
Sur de nombreux forums horticoles,on peut trouver des version amusantes de ces saints : les « Saintes Glaces », les « 5 de glace »... Les pauvres Mamert, Pancrace, Servais et Urbain doivent se retourner dans leurs tombes ! D’autant plus qu’ils ont été bousculés dans le calendrier au XXe siècle. Leurs célébrations respectives étaient le 11, 12, 13 et 25 mai mais aujourd’hui, ce sont les saints Estelle, Achille, Fatima et Sophie que l’on fête à ces dates… Doit-on en déduire que les premiers ont cédé leur place dans le calendrier aux seconds afin d'effectuer leur travail de gardiens des derniers pics de gel ? Seront-ils aussi efficaces contre les froidures matinales tueuses de jeunes pousses ?
Que reste-t-il des dictons d’antan ?
Cet héritage de sagesse populaire risque de se déliter doucement : les générations urbaines perdent petit à petit leurs attaches à la terre, les fruits et légumes restent disponibles toute l’année chez les commerçants et les hommes pensent pouvoir tout contrôler y compris les aléas de la météo. Que peut signifier "Si les vaches sont couchées, la pluie arrive" ou "Prépare autant de tonneaux qu'en juin tu compteras de jours beaux" pour qui vit en appartement dans une grande ville ?
Et « Oignons bien habillés - Annoncent fortes gelées » a-t-il encore lieu d’être alors que l’oignon en question a poussé à des centaines de kilomètres de son lieu de consommation ? Les changements climatiques auxquels nous nous confrontons peu à peu vont probablement perturber l’ordonnance millénaire des dictons jardiniers et les années à venir nous forceront peut-être à revoir des proverbes tels que « Noël au balcon, Pâques aux tisons » en le transformant en « Chandeleur au balcon, Solstice aux tisons »