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Mythologies - Roland Barthes

Mythologies

Barthes, Roland 1915 - 1980
Seuil

En 1957 paraissant un curieux petit essai sur les mythes de l'époque, devenu à son tour depuis un mythe à part entière.

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Lorsqu’il est question des Mythologies, on ne sait plus bien s’il a fait de la Citroën DS un mythe contemporain, au même rang que les cathédrales gothiques, ou bien si c’est la Citroën DS qui, ornant depuis des décennies les éditions de poche de l’ouvrage, a contribué à faire du livre lui-même un mythe.

Il pourrait sembler curieux pour une personne vivant en pleine XXIe siècle d’aller s’intéresser à un petit recueil de réflexions sur des sujets d'actualité, paru dans les années 1950. Puisant ses sujets d'analyse au gré des lectures des médias de l'époque, leur auteur, Roland Barthes, tente de percevoir l'esprit du temps et de pointer avec malice les obsessions et les mouvements de fond d'une société en pleine mutation. Le brillant critique et sémiologue – c’est-à-dire qu’il étudie les signes – n’est-il pas un homme de ces Trente Glorieuses sûres d’elles-mêmes qui n’ont plus rien à voir avec notre époque de doutes profonds ?

Il est vrai que certaines entrées ne nous évoquent plus grand-chose : quelqu'un sait-il encore qui est Minou Drouet ? Beaucoup d’autres, en revanche, restent d’une étonnante pertinence. L’usager de la grève empêché de prendre le train, interviewé indigné et empêché d'aller travailler honnêtement, n’est-il pas resté le même ? Plus parlants encore, ces mythes qui touchent à l'alimentation pour en souligner l’importance quasi-religieuse en France : le lait, le vin et surtout le bifteck et les frites. Ainsi Roland Barthes rappelle-t-il que le général de Castries, commandant au cours de la célèbre bataille de Dien Bien Phu, avait demandé, à l’issue de sa captivité, un bifteck et des pommes frites. « Le général connaissait bien notre symbolique nationale, il savait que la frite est le signe alimentaire de la francité. » Qui n’y verra pas un écho brûlant et moqueur aux débats de candidats à l’élection présidentielle s’écharpant sur ce qui caractérise la gastronomie et donc l'identité française ?

Pour ce qui est des deux occurrences consacrées à Pierre Poujade, homme politique de l'époque ayant permis aux élections législatives de 1956 la première résurgence de l'extrême-droite depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, chacun jugera de leur degré d'analogie avec la France d'aujourd'hui.

Nous invitant ainsi à nous interroger sur la petite-bourgeoisie, ce « bloc » sur lequel il convient de « taper inlassablement », Roland Barthes affirme combien son œuvre reste vivante et doit être sans cesse prolongée. Convenons que les sujets dignes de figurer au rang de mythologies contemporaines ne manquent pas.

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