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L'homme qui n'aimait plus les chats - Isabelle Aupy

L'homme qui n'aimait plus les chats

Aupy, Isabelle 1983 - ...
les Éditions du Panseur

Un premier roman singulier, entre fable philosophique et dystopie.

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Peut-on appeler un chien un chat - et faire passer l’un pour l’autre ? Premier roman d’Isabelle Aupy et première publication de la jeune maison d’édition indépendante  Le Panseur, L’homme qui n’aimait plus les chats est un récit entre conte philosophique moderne et dystopie (citations de George Orwell et Ray Bradbury en exergue) interrogeant le pouvoir des mots et ses dérives, l’atteinte insidieuse à la liberté de choix des individus et des groupes.

« Imagine une île avec des chats », indéterminée, dos au continent, battue par les éléments, sur laquelle vit sans trop se presser une petite communauté : le narrateur (un vieil homme), son ami taciturne Thomas, gardien reclus du phare, le Curé, Sergueï, poète et violoniste anarchiste, Madame Guenel, l’ancienne maîtresse d’école, à qui on ne la fait pas, Ludo le restaurateur, chez qui on se réunit volontiers après la messe,  Gwenaëlle et son fils Gaël…, le Professeur… Tous vivent autant que possible en bonne entente, solidaires mais en tout indépendance : « On se filait des coups de main, chacun un peu à sa sauce d’ailleurs, et certains avec deux mains gauches. Et puis, si l’envie nous prenait de ne voir personne, on restait dans son coin et les autres nous foutaient une paix royale ! ».

Une île avec des chats, beaucoup, aux caractères variés : sédentaires ou nomades, casaniers ou errants, mais tous libres d’aller et de venir chez les uns et les autre selon leurs envies du moment.

Une nuit, tous les chats de l’île disparaissent mystérieusement (kidnappés ?), laissant les habitants désemparés. Ils décident d’envoyer le Professeur sur le continent pour tenter d'y trouver une solution. Il en revient quelques semaines plus tard accompagné d’une femme élégante, que le vent n’arrive jamais à décoiffer, aux mots très convaincants. Elle personnifie l’Administration du continent, celle qui a réponse à tout.

Quand des chiens sont alors offerts aux insulaires en remplacement de leurs chats, le récit bascule dans un monde où le langage est manipulé pour changer la réalité, les idées et les consciences, pour finir par atteindre la façon de vivre des habitants. Feront-ils comme si de rien n’étaient ? Entreront-ils en résistance ?

Les chats, je les aime parce qu’ils ne nous sont pas soumis. Ils viennent parce qu’ils le veulent […]. J’ai réalisé qu’à la question « c’est quoi un chat pour vous ? », j’aurais dû répondre : « un animal qui ne se tient pas en laisse. » J’aurais dû répondre : « la liberté d’être soi ». C’est à ce moment que j’ai compris pourquoi c’était si important pour eux de changer le nom des chiens, de nous inciter à croire à des chats. […] Pendant ce temps, ils finissaient de nous les prendre ces choses-là, des choses dont nous n’avions pas besoin pour vivre, mais qui étaient tellement nécessaires : la liberté d’être soi, et non comme les autres, la vérité du monde aussi, celle qui se glisse dans la mer et dans le vent, […] qui décoiffe les cheveux et vous rappelle qu’une mèche qui dépasse, ce n’est pas important…

Comment peut-on abdiquer sa liberté sans la défendre ? Fermer les yeux et se laisser imposer une fausse vérité ? Est-il toujours possible de réveiller sa conscience, de ne plus se soumettre à une acceptation passive ? Ce texte à l’intrigue condensée, aux descriptions d’une grande poésie entraîne les lecteurs d’une traite dans son sillage, les invitant subtilement  à la réflexion. Une belle réussite.

Livre
Roman