Léautaud-Mallet : Intégrale des entretiens radiophoniques
En 1950, Paul Léautaud était un écrivain méconnu, au crépuscule de son existence. Il vivait en quasi reclus dans une maisonnette de la banlieue parisienne, entouré d’une vaste ménagerie de chiens, chats errants et même d’une guenon. Il avait longtemps travaillé comme secrétaire au Mercure de France, revue littéraire devenue aujourd'hui maison d’édition. Seuls quelques vieux lecteurs se souvenaient encore de ses chroniques théâtrales, également parues dans les pages de la Nouvelle Revue Française, ainsi que de son roman le plus connu, Le Petit Ami.
Homme d’une époque révolue, Léautaud vivait sans confort, sans électricité et écrivait toujours à la plume d'oie. Il consacrait ses maigres revenus à l'achat de nourriture pour ses animaux. Il s’opposait à tout et à tout le monde. Si le cynisme et la misanthropie devaient s’incarner, ils prendraient les traits de Paul Léautaud.
Par amitié pour Robert Mallet, cet être singulier accepta toutefois de participer à une série d’entretiens radiophoniques qui furent diffusés sur les ondes de la radio publique. Ce fut un immense succès qui conduisit Léautaud à la reconnaissance populaire. On imagine sans mal le plaisir qu’a pu prendre le public à écouter la voix éraillée de cet homme parlant sans le moindre souci des convenances ou du besoin de plaire, quel que soit le sujet abordé ou l'œuvre évoquée. La liberté de ton, sur un média encore largement soumis au pouvoir politique, ne fut pas sans déclencher quelques polémiques jusqu'à l'Assemblée nationale. La seule règle fixée par l’auteur était de ne surtout pas être informé des questions à l’avance, ayant en horreur tout ce qui ne naîtrait pas de la spontanéité.
Au fil des entretiens, il est bien évidemment question de littérature – rares sont les auteurs qui trouvent grâce à ses yeux s'ils ont vécu après le XVIIIe siècle. On y trouve aussi les récits de son enfance passée parmi les prostituées ou à observer le monde par le trou de souffleur où officie son père à la Comédie française. Léautaud s'enthousiasme parfois, s'emporte souvent et se contredit sans s'émouvoir. Avec lui, il est toujours question de sincérité et de liberté dans leurs acceptations les plus pures. Faut-il en prendre de la graine ?
AG