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Le pays des autres - Leïla Slimani

Le pays des autres. 1, La guerre, la guerre, la guerre

Slimani, Leïla 1981 - ...
Gallimard (1911 - ...)

En 1944 Mathilde, jeune alsacienne, rencontre Ahmed, combattant marocain

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Bien loin de son adaptation d'un fait divers (Chanson douce) ou de son enquête sur la sexualité au Maroc, Leïla Slimani change totalement de registre et se lance dans une trilogie dont Le pays des autres constitue le premier volet. Elle prend comme point de départ l'histoire de ses grands-parents : un couple mixte dans le Maroc des années 40. 

Mathilde, jeune alsacienne, rencontre Ahmed combattant marocain dans l’armée française. A la libération, ils s’installent à Meknès où Ahmed est bien décidé à rebâtir une ferme sur un petit lopin de terre hérité de son père. Le couple va devoir affronter des tempêtes de tous ordres et mener tant bien que mal sa petite embarcation agricole avec, en toile de fond, l'entrechoquement permanent de leurs cultures.
Le pays des autres, c’est celui d’Ahmed qui vit parmi les colons et qui a combattu pour eux, et c'est aussi celui de Mathilde. Française dans un pays en train de conquérir son indépendance, elle est mariée à un indigène - ce qui équivaut à une trahison -, et porte haut sa culture alsacienne et ses envies d'émancipation dans un pays aux moeurs parfois corsetés... L’indépendance qui s’annonce promet de rebattre les cartes et de tendre encore un peu plus les rapports humains.
Au-delà de la volonté de raconter une histoire familiale, Leïla Slimani avait à coeur  de parler du Maroc, ainsi qu'elle l'explique dans une interview aux Inrockuptibles  « Les Français savent très peu de choses sur le Maroc, sur notre complexité, sur notre histoire, qui n’est pas celle de l’Algérie ni celle de la Tunisie. Et depuis une dizaine d’années, tout est réduit au fait que nous sommes musulmans, comme si la religion expliquait tout. J’avais envie de rétablir notre différence, notre complexité ». 

Il y a dans ce roman le souffle puissant des sagas familiales, la narration est fluide et chaleureuse, tout en restant relativement sobre. C'est âpre, beau, fort, sensuel, parfois violent. L'auteure porte ses personnages avec une grande bienveillance. Ils peuvent chacun à leur manière être parfaitement exaspérants, injustes, tendres ou généreux. Et c’est sans doute ce qui donne une extrême justesse à ce récit ; personne n'est noir ou blanc, chacun fait comme il peut pris dans les tourments de la grande Histoire. Le pays des autres, c'est une histoire de la décolonisation, avec ses soubresauts et ses déflagrations qui s'immiscent jusque dans l’intime.

Cécile

Roman