Iranien - Mehran Tamadon
En 2009, Mahmoud Ahmadinejad est reconduit à la tête de la République islamique d’Iran, suite à une élection contestée. Le réalisateur Mehran Tamadon souhaite alors montrer aux soutiens du régime qu’il existe des Iraniens athées et libéraux, ayant tout autant de légitimité à vivre dans ce pays, dont il estime que les religieux chiites se le sont accaparé.
Plusieurs années sont nécessaires à Mehran Tamadon pour parvenir à convaincre quatre mollahs de venir vivre avec lui deux jours durant dans une maison, dont ils se partageraient l’espace. Son idée est de leur faire comprendre que chacun peut vivre comme il l’entend dans sa chambre, mais que le salon constitue un espace public et neutre, dans lequel chacun doit pouvoir se sentir accepté et respecté. Il s'agit donc d'expérimenter à petite échelle le concept de société séculière qu'il souhaiterait pour son pays. Le réalisateur tentera, de discussion en discussion, de faire comprendre à ses hôtes les bienfaits de la laïcité, tandis que ceux-là essaieront de le convertir à l’Islam. Dialogue de sourds ?
Non, pas exactement. L’erreur serait de comprendre l’exercice comme une simple confrontation. Parce qu’il est seul face à quatre interlocuteurs, dont un orateur particulièrement aguerri, Mehran Tamadon n’est guère en position de convaincre qui que ce soit. Cette configuration fait qu'il sera de toute façon perdant. Le spectateur pourrait en éprouver de la déception et considérer le film comme un échec. Cependant, le réalisateur entreprend là une démarche honnête. Il aurait tout aussi bien pu ne conserver au montage que les séquences qui lui sont favorables et couper celles où il se retrouve en difficulté et se voit contraint de faire des concessions.
L’essentiel est ailleurs. Le réalisateur l’explique dans l’interview et le débat qui accompagnent le film. Il n'est pas question de gagner ou perdre dans cette expérience, mais plutôt de montrer la possibilité du dialogue. Dix fois, les propos du cinéaste sur la religion ou la place des femmes pourraient offusquer définitivement ses invités. Pourtant, ils restent. Peut-être ne le considèrent-ils pas comme leur égal, mais ils ne quittent pas la maison, vivent l'expérience jusqu'à son terme et le film peut finalement se faire. Telle est bien la leçon principale d’Iranien ; même si Mehran Tamadon ne peut désormais plus se rendre dans son pays, le film y circule en cachette, la discussion devient envisageable, le doute et la curiosité vis-à-vis de l’autre s’installe, peut-être, dans quelques esprits.
AG