Ici n'est plus ici- Tommy Orange

 « Nous amener en ville devait être la nécessaire étape finale de notre assimilation, l’absorption, l’effacement, l’achèvement de cinq cents ans de campagne génocidaire ».

Oakland, Californie. C’est la banlieue de San Francisco, et dans l’imaginaire collectif, c’est la liberté, le grand Ouest, le rêve américain. Mais dans Ici n’est plus ici, Oakland, c’est surtout la ville dans laquelle se regroupent douze personnages pour assister au grand pow-wow annuel. Tous sont issus de la culture nord-amérindienne, tous vivent en ville et ont été assimilés à la culture occidentale. Enfin, en surface, car Ici n’est plus ici est un prétexte pour explorer le concept d’identité personnelle.

Au fil des pages Tommy Orange, lui-même héritier de cette culture indienne, se questionne sur l’expérience de ces nouvelles générations d’Indiens qui vivent aujourd’hui en ville. Allant au contraire de la littérature classique qui présente les descendants des anciennes tribus indiennes comme des individus qui vivent dans des réserves et maintiennent un lien privilégié avec la nature, Orange expose une vérité : plus de 70% de la communauté indienne vit aujourd’hui en ville et l’expérience de ces individus est bien loin d’être un tableau idéal. Grâce à ses personnages complexes, de Jacquie Red Feather dont l’existence est une bataille constante contre l’alcool à Edwin Black qui n’a jamais rencontré son père, l’auteur décrit la manière dont certains traumatismes se transmettent de génération en génération, faisant presque partie du processus de construction identitaire. Si ancrés dans la mémoire collective qu’on les penserait presque transmis dans les gènes. Si présents qu’ils ont des répercussions tangibles sur les plus jeunes et les empêchent de se construire...

Le récit est dur, poignant, déchirant. Le prologue, un brutal retour à la réalité. Mais Tommy Orange ne condamne pas ; il souhaite seulement rendre une voix à ceux qui, au cours de l’histoire, ont été oubliés, ceux qui ont grandis au contact d’un imaginaire collectif qui a transformé et reconstruit leur propre culture, et qui peinent aujourd’hui à comprendre qui ils sont.