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Histoire d'un secret - Mariana Otero

Histoire d'un secret

Otero, Mariana (Réalisateur / Metteur en scène / Directeur artistique)
Archipel 33

Mariana et Isabel ont 4 et 5 ans quand elles perdent leur maman

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1968 : Mariana et Isabel ont 4 et 5 ans quand elles perdent leur maman. Clotilde Vautier avait 26 ans, elle était peintre comme son mari Antonio Otero et avait devant elle une carrière prometteuse.

Les filles grandissent dans l’ombre de cette disparition que personne n’évoque jamais et sur laquelle semble peser un lourd secret. Les toiles de leur mère sont enfermées dans un placard et ses affaires rangées dans la malle qui sert de table basse. Ce n’est que 30 ans plus tard que leur père leur révélera la véritable cause du décès de Clotilde : un avortement clandestin.
A la manière d’une enquête, Mariana remonte le temps : elle part à la rencontre des membres de sa famille, interroge les amis de ses parents qu'elle convoque dans l’appartement où ils vivaient alors... Les silences submergent les champs et contre-champs et disent à eux seuls la douleur. Quand Mariana interroge son père, c’est dans l’habitacle d’une voiture, côte à côte pour éviter les regards, et ces moments sont d’une intensité rare, sous-tendus par un sentiment de culpabilité profond.

C’est comme s’il avait fallu l’émergence de cette vérité pour que la fille s’autorise à penser à sa mère, à vouloir la comprendre et à travers elle, redonner chair à toutes les femmes qui ont connu le même sort. La vérité aussi, pour enfin accepter de laisser venir le temps du deuil. Tout au long du film, Mariana découvre l’artiste Clotilde et sa caméra ne se lasse pas de promener son regard tendre sur la beauté de ces nus, corps de femmes empreints de plénitude et baignés de lumière.
La cinéaste élargit  le propos en interrogeant les médecins de l’époque et en montrant les coupures de presse relatant des histoires similaires. Et l’on découvre sidéré que bien longtemps après l’adoption de la loi légalisant l’avortement, de nombreuses familles n'ont pas levé ce secret ; la honte reste, tâche opaque et indélébile.

Mariana Otero  réussit cet équilibre complexe qui consiste à inscrire un récit familial dans l'histoire nationale ;  lier ainsi l'intime et l'universel c'est l'assurance d'un bel objet filmique à la forte résonance sociale et politique. Implacable et bouleversant, ce geste est l’oeuvre d’une grande cinéaste. 

Cécile

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