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Histoire d'un regard, à la recherche de Gilles Caron - Mariana Otero

Histoire d'un regard

Otero, Mariana (Scénario)
Diaphana Films

Années 60, un film hommage au grand photo reporter Gilles Caron, disparu en 1970 au Cambodge.<...

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Années 60, une petite décennie de reportage et 100 000 clichés. Et un mystère : Gilles Caron, photographe de l'agence Gamma créée en 1967 par Raymond Depardon, disparaît au Cambodge en 1970 sur la route n°1, dans la zone contrôlée par les Khmers rouges. Avec Histoire d'un regardMariana Otero part sur les traces du reporter dont l'existence brutalement interrompue entre en écho avec sa propre histoire, celle de la disparition de sa propre mère à la même époque (Histoire d'un secret).

En appui sur les planches contact qu'elle parcourt, elle choisit différents moments clés de l'existence du photographe de guerre. La célèbre photographie de Daniel Cohn Bendit en 1968 face à un CRS, dont elle décortique la genèse en montrant le talent du photographe, la finesse de son regard et sa capacité à prendre de la distance. La Guerre des Six-Jours, où elle convie un historien à retracer le parcours de Gilles Caron entré dans Jérusalem avec l'armée israélienne. Ou encore la guerre du Vietnam où Gilles Caron s'est mêlé aux combattants de la colline 875 de Dak To, un carnage traumatique. Voyage cependant mêlé de photographies des habitants, de portraits de soldats au quotidien, où la photographie se fait plus humaine, où naît une capacité à discerner l'individualité au milieu du groupe, par delà l'événement historique. 

Mariana Otero consacre une partie de son film au reportage de Gilles Caron en Irlande du Nord en 1969, à Londonderry et Belfast, moment où les tensions entre catholiques et protestants s'accentuent, images d'un pays en guerre civile, dévasté. Ce qui frappe est la jeunesse extrême des combattants, dont le film retrouve les traces 50 ans plus tard, en une série d'entretiens poignants. La part fondamentalement humaine du travail de Gilles Caron s'accentue, trouve sa voix. 

Des années difficiles suivent, celles de reportages au Biafra, au Tibesti tchadien, livrant des images bouleversantes où le reporter apparaît de plus en plus comme un rouage ambigu, pris en tenaille entre témoignage et action. La fin des années 60 marque une évolution du photojournalisme, qui trouve à la fois son acmé et son déclin : "Le journaliste témoin devient un enjeu d'échange, de négociation". Une inquiétude naît, un questionnement éthique, qui viennent s'ajouter à la prise de risque, à la nécessité de la rapidité, de l'exclusivité de l'information.

Le choix d'intégrer au film quelques entretiens et clichés familiaux de Gilles Caron, le regard de la caméra sur les photographies, la mise en scène du documentaire dans un lieu neutre, clair, fait de transparences, parois de verre où sont accrochés les tirages, la voix de la documentariste qui s'adresse directement au photographe créent une empathie forte avec ce dernier et une véritable tension dramatique et émotionnelle. Le documentaire résonne longtemps en nous, tissé qu'il est des faits d'une époque révolue, faisant appel à la mémoire, cherchant à colmater la perte, à rendre hommage, à sauver un artiste et son oeuvre :

"Tu aurais pris le temps de transformer l'ordinaire en extraordinaire"

 

 

 

 

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