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Crache trois fois - Davide Reviati

Crache trois fois

Reviati, Davide 1966 - ...
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Crache trois fois est une œuvre fleuve, sur le thème des souvenirs d’adolescence. Mais pas que.

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Crache trois fois est une œuvre fleuve. Un roman graphique de toute beauté, épais livre cartonné de plus de 560 pages, sur le thème des souvenirs d’adolescence. Mais pas que.

L’auteur raconte la vie d’une bande de jeunes italiens, à la fin des années soixante-dix, si l’on considère ce roman comme autobiographique. Guido, Moreno dit « Grisou » et Katango, forment une bande d’adolescents fréquentant nonchalamment le même lycée technique. Nous sommes dans la région de Romagne, et la campagne entoure les petites villes. Leurs journées s’écoulent entre bars, billards, virées en club et fumette avec alcool le soir, au bord du fleuve ou dans leur « bunker », vestige de la guerre. Non loin de là, une ferme en ruine est occupée par une famille de Roms. Loretta est une fille de leur âge, que les garçons ont du mal à intégrer à leur groupe, tant le racisme tzigane est fort. Il faut dire que cette grande demoiselle à l’air sauvage n’a rien de bien engageant.

Davide Reviati est Italien. Connu du lectorat français grâce aux éditions Casterman (État de veille 2011) et Cambourakis (Tian An men 2013), il réalise là un magnifique journal sur la vie dans cette région campagnarde, en mêlant ses souvenirs d’enfance à des faits historiques et culturels établis. Car au-delà des saveurs du temps qui passe, s’étire plus dramatiquement la longue histoire des Roms et leur quête d’identité. Le passage documenté sur leur politique d’extermination par les nazis durant la seconde guerre mondiale est à ce sujet remarquable, même si lourd. Mais la poésie dont est capable l’auteur permet d’aller au-delà de l’hommage et cet aspect engagé. Et si elle s’exprime par le texte,  les dialogues, et l’agencement des chapitres, très aérés, telle la respiration d’une mélopée, elle s’appréhende surtout et avant tout par le dessin. En effet, Davide Reviati est un artisan du trait. Il offre un noir et blanc remarquable, fait de lignes très dynamiques, rappelant à certains égard celles du dessinateur Mattoti, complétées de nombreuses hachures, envahissant les cases, les débordants même souvent. En fait, l’encrage de l’artiste est un trait réalisé au stylo, parachevant le léger crayonné que celui-ci doit réaliser en amont. Souvent, on s’attarde sur telle ou telle case.

Crache trois fois est long, parfois fastidieux, car conséquent d’une œuvre très personnelle et engagée. Sa fin se mérite, et la douce mélancolie qui reste alors ne nous fait pas regretter d’y avoir goûté. Dès lors, pouvoir continuer l’aventure avec un récit plus ancien : Histoire de Papusza en fin de volume, procure un plaisir supplémentaire bienvenu. Le récit de 36 pages, hommage à Bronislawa Wajs, dit Papusza (« Poupée »), jeune tzigane auteure dans un monde d’oralité, découvert par le poète, traducteur, critique, ethnographe polonais Jerzy Ficowski en 1949, et édité grâce à l’aide du grand poète Julian Tuwin, est émouvant, car encore très dramatique, et superbement rendu. Juste une envie en repoussant la dernière page : découvrir ses écrits.

Davide Reviatti est un auteur important, doué, que l’on prendra plaisir à suivre.

Franck Guigue

Livre
BD/Manga